Cette version de l’Estro Armonico op. 3, chef‑d'oeuvre réunissant douze concertos d'Antonio Vivaldi, admiré et copié en partie par Johann Sebastian Bach, serait‑elle la version de trop ? Car les excellentes versions ne manquent pas : Fabio Biondi et l'Europa Galante nous servirent en leur temps un véritable festin d'extravagance et de folle invention, Dantone et l'Accademia Bizantina, d'une farouche énergie, le nez au vent et le pied dansant, sans oublier Hogwood et Pinnock. La direction de Rachel Podger n'est pas d'une séduction immédiate. Pour résumer, c'est la version qui nécessite une écoute très attentive pour en apprécier toute la beauté. Car elle ne vous fera pas rêver, ni danser le nez au vent. Ici, pas d'hystérie, pas de gesticulation inutile mais une beauté sereine, une construction des lignes musicales très solide, des solistes en parfait équilibre permanent avec la direction sobre et robuste de Rachel Podger. De ces douze concertos se dégagent la même couleur automnale, la même odeur. C'est très beau, ça sent très bon... très uniforme.

On ne remet pas en question la performance du Brecon Baroque. Mais tout de même, cette unité laisse le sentiment que Podger et ses solistes, dans un souci d'intégrité et de probité ont examiné, scruté et analysé chaque note, chaque portée au microscope avant d'enregistrer chaque concerto. C'est une version plus de tête que de coeur. Tout ronronne à la perfection et on applaudit devant tant de noblesse et de virtuosité, le tout servi par une prise de son SACD chaleureuse superlative. Mais où est l'exhubérance, la vitalité pétillante ? Décidément, nous aurions souhaité davantage de sentiments.

Voici donc la version idéale pour comprendre la paternité des oeuvres de Vivaldi et Bach. Mais pour le plaisir que peut procurer l'Estro Armonico, retour à Biondi et Dantone.