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Diapason # 624 (05/2014)
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Naïve V5373



Code-barres / Barcode : 0822186053737 (ID426)

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Appréciation d'ensemble:

Analyste: Ivan A. Alexandre

Après le triomphe d'Alessandro (Diapason d'or de l’année 2013), Max Ema­nuel Cencic et sa troupe voient plus haut. Dans ce volet central du triptyque miraculeux présenté à Londres entre l'hiver 1724 et l'hiver 1725 ‑ coup sur coup Giulio Cesare, Tamerlano et Rodelinda ! ‑ il est question du pâtre guerrier mongol Timur Leng vainqueur du sultan Baye­zid vers 1400. Il est surtout question de forme (les scènes plus importantes que les airs), de style (un théâtre de passions crues dont la virtuosité s'exerce moins sur les doubles­ croches que sur les mots), de confron­tations tragiques (le sauvage contre le seigneur). Et, un siècle avant Verdi, de l'affection violente qui unit les pères et leur fille.

Ici, le généreux Cencic abat un atout maître : non pas lui‑même, d'un charme quasi féminin mais d'une au­torité prodigieuse (en 1724, le primo uomo Senesino tenait le rôle du prince grec Andronico, le cruel Tamerlano revenant à un castrat de moindre envergure). Non, cette surprise qu'il nous réserve, c'est le ténor choisi pour incarner Bajazet, handélien de longue date qui pourtant se faisait rare. Disciple du regretté Anthony Rolfe Johnson, John Mark Ainsley possède les mêmes vertus de phrasé, de timbre, de musicalité, le même alliage de mordant et de noncha­lance que Handel porte si bien. Les notes extrêmes de « Ciel e terra » ne l'effraient pas, les (rares) acroba­ties moins encore, et la scène du sui­cide est une leçon de récitatif. Est‑il un père ? La question se posait lorsque, jeune espoir, il essayait Jeph­tha; désormais cinquantenaire, elle se pose toujours, Pour rendre cré­dible cet éternel charmeur, peut‑être lui faudrait‑il une fille plus fille que Karina Gauvin, autre styliste magni­fique à contre‑emploi, dont les pres­tiges évoquent davantage Alcina furieuse qu’Asteria déchirée. Drôle de « couple », tout prêt pour... Belshazzar.

Ainsi de suite : à Ruxandra Donose irait sans difficulté l'Irene mezzo‑so­prano conçue à l'origine, mais cette partie de contralto la bride, tout comme la frénésie de Tamerlano
éreinte le doux Xavier Sabata, aussi touchant et déplacé qu'Henri Ledroit  dans l'ancien album de Jean‑Claude Malgoire ‑ son air de bravoure, « A dispetto », version light allégée en
Vocalises, passe inaperçu. 
     
George Petrou, le chef d'Alessandro, ayant enregistré son propre Tamerlano il y a huit ans (MDG, une merveille malgré un plateau inégal),  Cencic à fait appel au chef violoniste Riccardo Minasi et à son (tout petit) ensemble Il Pomo d'oro. Petrou avait retenu la partition originale de 1724: Minasi opte donc pour la reprise de 1731, avec laquelle il prend quelques  libertés. Les récitatifs sont plus courts, Leone (la jeune basse russe Pavel Kudinov, peu concernée) gagne un air de Riccardo Primo... rien de grave. Tantôt sec et maniéré (« S'ei non vuol amar », ou encore l'Ouverture, d'un compliqué!), tantôt à l'écoute (« Cerco invano di placare »), le chef applique la règle du baroque italien établie naguère par le Giardino Armonico : la poigne pour sentiment, les angles pour cantabile. Et il arrive que le récitatif, capital dans Tamerlano, lui échappe. Mais lui aussi se dépense sans compter. Si bien que l'amateur s'interroge : oui ou non ? Une myriade de talents, réels et prodigues mais souvent hors‑jeu, suffit‑elle à nos plaisirs ? Nous étions si près de succomber.

 

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