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David Fiala Dans la fameuse tirade du «cuckoo clock » de son Troisième Homme (1949), Orson WelIes ironise « sous les Borgia, l’Italie vécut la guerre, la terreur, le meurtre et l’assassinat, mais produisit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu l’amour fraternel, cinq siècles de paix et de démocratie, et qu’est-ce que cela a donné? L’horloge coucou ! » Pour rétablir la vérité, il faut (entre autres) rappeler que les coucous viennent de la Forêt-Noire et que ce n’est pas pour leur « amour fraternel» que les armées suisses de la Renaissance étaient tant redoutées. Pour le reste, ce très riche double disque de messes et motets de la chapelle papale sous les Borgia (et un peu avant, à partir de l’achèvement de la chapelle Sixtine en 1482) apporte la plus belle et la plus précise confirmation musicale disponible à l’image de créativité artistique sans égal de cette Rome pleine de conflits et de débauche. Nul n’était mieux placé pour concevoir ce programme que le jeune chef et musicologue Jesse Rodin, un des meilleurs spécialistes de la chapelle du pape à cette époque. Fort de cette connaissance, il apporte des pages inédites pour replacer dans leur contexte créatif les pièces de Josquin (qui a servi la chapelle de 1489 à 1494 au moins) aussi fameuses que les Messes Fortuna desperata ou L’homme armée super voces musicales. Si la redécouverte des oeuvres d’un oublié complet, Mabrianus De Orto, pourtant le principal collègue romain de Josquin, et de quelques autres contemporains vaut déjà pour elle-même, le fil conducteur du double-album est bien de faire ressortir toute la singularité du génie de Josquin, en insistant sur son son attrait unique et presque obsessionnel pour le principe de répétition (de motifs tourbillonnants ou de phrases). Non seulement le choix des oeuvres y parvient admirablement, en dégageant des contrastes saisissants, mais l’interprétation vivante et expressive de ce groupe américain de dix jeunes chanteurs mixtes s’avère à la hauteur de ce patrimoine majeur de la Renaissance. Qualité, justesse et homogénéité des voix, maîtrise stylistique des expressions et des tempos, rien ne manque pour faire de ce CD au programme passionnant un jalon incontournable pour les amateurs d’art vocal de la Renaissance.
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