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Diapason # 656 (04/2017)
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Hortus 139



 

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Analyste: Xavier Bisaro

Hommes et biens quittèrent en nombre la France pour « équiper » la province lointaine du Québec sous l’Ancien Régime. La musique d'église n'échappa pas à ce flux : partitions et livres liturgiques imprimés à Paris se retrouvèrent ainsi en Nouvelle‑France, de même que des musiciens comme Jean Girard qui, en 1724, voyagea avec un étonnant manuscrit dans ses bagages. Retrouvé seulement en 1978, ce Livre d'orgue recèle près de quatre cents pièces répondant aux principaux formats d'usage (versets pour la messe et pour le Magnificat notamment), presque toutes anonymes et représentatives d'un goût encore marqué par le Grand Siècle. Girard ayant occupé les fonctions de maître de chant du prestigieux séminaire de Saint­Sulpice, c’est en connaisseur de la musique de Nivers et de celle de son contemporain Clérambault qu'il apparaît au travers de ce Livre.

Puisant dans le manuscrit plusieurs cycles complets et une poignée de pièces isolées, Hélène Dugal les ramène sur le continent en choisissant l'orgue atypique de Commequiers, fruit de l'enthousiasme inaltérable de paroissiens vendéens et de leur travail continu durant ces trois dernières décennies. Faisant illusion en dépit de quelques entorses aux subtilités de la facture du temps de Louis XIV, ce décor sonore est conforté par le jeu appliqué de l'interprète. La nature roborative de certains versets (tout le monde ne s'appelle pas Couperin ou Grigny ... ) ne l'empêche pas de suggérer des caractères nets et attachants, auxquels ne manque, par moments, qu'un soupçon de liberté et d'entrain.

La prestation de l'Ensemble Gilles Binchois ne tient pas un moindre rôle dans l'accomplissement du projet. Enregistrés plusieurs années après les pièces d'orgue, leurs versets de plain‑chant s'insèrent parfaitement dans la trame générale. Une exécution aussi informée que vivante rappelle que les interventions de l'organiste prenaient un relief particulier dans cette alternance avec la voix grave et posée des chantres. Au final, le nouvel album rejoint honorablement les anthologies de ce manuscrit déjà proposées par d’autres représentants de l’orgue canadien (Réjean Poirier, Kenneth Gilbert, Yves G. Préfontaine).
 

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