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Analyste:
Gaëtan Naulleau
La Passion selon
saint Jean réduite à un chanteur par partie (soit huit, plus l'Evangéliste)
? Mais dans une approche de cet effectif assez éloignée de l'équipe vocale plus
modeste de John Butt, en 2012 (Linn, cf. no 646). La lecture intensément
théâtrale d'un chef qui sait tout de Handel, Rameau, Offenbach ? Certes, si par
« théâtre » on entend l'art du timing, d'une trajectoire longue, et non des
effets ou des détails sophistiqués dont René Jacobs se régalait en 2015 (HM).
L’enregistrement de Marc Minkowski, réalisé l'année précédente, avec un
Évangéliste remplacé au pied levé quelques jours avant, paraît enfin et confirme
la réjouissante diversité qui irrigue encore la scène baroque, un demi‑siècle
après la première Saint Jean d'Harnoncourt.
Joshua Rifkin est donc passé par là ‑ mais écoutez la clameur
renversante de « Christus, der uns selig macht » avant de parler de «
minimalisme » ! Minkowski, à la différence de Butt et Parrott (Virgin) ne suit
pas le matériel autographe à la lettre, et distribue, par exemple, les airs de
soprano entre deux dames. Mais il soigne les deux pages où la répartition des
rôles voulue par Bach (et occultée par la plupart des enregistrements) a le plus
grand impact expressif : c'est l'Évangéliste lui‑même qui s'élance, après avoir
dit la détresse de Pierre, dans les accents paniqués de « Ach, mein Sinn
» (extraordinaire ici, par la tension qui se libère enfin au terme d'une
première partie sans répit). Et c'est le toujours noble Christian Immler, qui «
était » le Christ, que nous entendons juste après son dernier soupir entonner «
Mein teurer Heiland », dans une identification lumineuse ‑ la mort de
l'un est la naissance de l'autre.
Dans ce dernier air, la prise de son, qui dissout à distance le choral
en dialogue, relève d'une imagerie romantique plutôt que des usages en 1724,
L'éloignement des chanteurs installe également le portique « Herr, unser
Herrscher » dans une perspective trop chorale: on ne peut qu'imaginer
l'impact que de telles voix, et de telles personnalités, auraient gagné si les
micros les avaient restituées devant l'orchestre, comme au temps de Bach (voir
la captation magistrale de Philip Hobbs pour John Butt). Dans les airs, en
revanche, les voix ont légèrement l'avantage sur les instruments solistes des
Musiciens du Louvre. Est‑ce l'éloignement, le manque de grain, qui nous font
ressentir que tous sont excellents mais aucun exceptionnel ?
Le choeur de solistes, pour Minkowski, n'est pas seulement le garant
d'une mobilité et d'une réactivité polyphoniques supérieures : il est
indissociable d'une continuité du geste et d'une parole qui ne s'essouffle
jamais. Les chorals ne sont pas ici les pauses peaufinées ou nombrilistes que de
plus en plus de chefs s'y accordent (maximum d’effet, minimum d'efforts), mais
un franc relais de la narration par l'assemblée puissante. C'est d'ailleurs à
l'élan de ces chorals, plus qu'aux airs ou aux récitatifs, que cette passion
doit l'un des minutages les plus serrés de la discographie et cela sans aucune
précipitation. En misant sur un souffle assez égal, Minkowski met Ditte
Andersen sur la voie d'un « Ich folge dir » moins aérien qu'à
l'habitude, aussi déterminé que David Hansen dans son « Von den Stricken
» rongé par la colère et la culpabilité. Chapeau à l'un et l'autre.
On devine l'influence d'Harnoncourt et du disque de Schreier (Philips)
dans la noirceur de la première partie; de la comparution et de la crucifixion,
où les impressionnants choeurs de foule sont projetés d'un geste vif et droit,
mais Minkowski trace un autre sillon spirituel à partir d'un « Es ist
vollbracht » résigné, bercé par une viole hyperlegato qui sera affaire de
goût. Dès lors, la trajectoire unifiée englobera un « Zerfliesse » où le
flot des larmes est vecteur de soulagement, non plus d'affliction. Belle idée,
mais cette fois l'air s'épuise malgré le beau phrasé de Lenneke Ruiten, tout
comme un « Erwäge » où Colin Balzer peine à habiter le tableau éthéré que
le chef installe dès l'arioso de basse précédent (« Betrachte, meine Seel
», effaré et morbide).
L'autorité de Lothar Odinius, qui sait presser la déclamation
évangélique sans s'agiter, et dire l'horreur sans s'apitoyer, est un autre
bonheur de cette fresque où la profondeur du sens prime partout sur la vanité du
détail. Profondeur, aussi, dans cet orchestre sombre, dont les micros nous
dérobent les contours mais flattent la rumeur colorée des violoncelles, du
basson, de la contrebasse et du contrebasson ajouté en 1749.
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