Comme il advient souvent dans semblable programme, la thématique met en avant moins des compositeurs de génie qu’une époque, en l'occurrence la Renaissance italienne, à travers le chant accompagné de la lyre, tel que pratiqué par Orphée et la figure divine d'Apollon. L’usage du recitare annonce la « monodie accompagnée » qui se cristallisera au début des années 1600. La grande différence réside naturellement dans le fait que, de nos jours, la partie chantée et la partie instrumentale sont assurées par deux musiciens différents, même si la lira da braccio, peut donner l'illusion d'un accompagnateur supplémentaire en raison de la disposition de ses sept cordes, deux d’entre elles étant utilisées comme notes de bourdon. La première plage en donne un superbe aperçu avec « Udite, selve, mie dolce parole »: le ténor Giovanni Cantarini livre une interprétation totalement envoûtante, dont l'effet s'apparente à une incantation. Il faut dire que tous ces chants de déplorations d'Orphée charrient leur cortège de références obligées. Il est cependant loisible aux artistes d'improviser certaines parties, comme dans la frottole d'Alessandro Demofonte qui permet l’incursion de motifs populaires dans chaque strophe. Profane et sacré revêtent d'ailleurs ici les mêmes atours funèbres, ceux de la déploration, ainsi qu'en témoignent « O Giesu dolce » de Razzi et l'hymne marial « Vengo a te, madre Maria » de Fogliano. L’Eurydice campée par Maria Christina Kiehr et I’accompa-gnement instrumental enchanteur de ses trois acolytes parachèvent la réussite de cet enregistrement, antichambre lacrymale des futurs opéras.