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Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Gaëtan Naulleau Le chef‑d'oeuvre de Sophie Karthaüser et Sébastien Daucé fera‑t‑il sortir Delalande de son purgatoire ? Il pourrait donner un nouvel élan à la discographie en veilleuse du prince de la musique d'église au Grand Siècle, et remettre les pendules à l'heure : Delalande est comparable à Bach par sa façon d'articuler en une vingtaine de minutes de grands tableaux sacrés, et de repenser leur forme tout au long d'une longue carrière (quatre‑vingt grands motets chez l'un, deux cents cantates chez l'autre). Encore faut‑il savoir lire ses partitions. Les interprètes ont pris l'habitude (et le temps) de scruter celles de Bach mais se sont rarement inquiétés des stratégies musicales qui, sous la plume de Delalande, ne donnent pas moins de sens aux textes bibliques. A cet égard, les trois Leçons de ténèbres pour soprano et basse continue semblent bien modestes sur la page... Illusion d'optique, répondent Karthäuser et Daucé. Ils savent que l'harmonieuse simplicité de l'écriture est ici une marque d'autorité, qu'elle reflète le cérémonial pompeux développé sous Louis XIV pour le sommet de l'année liturgique, qu’elle n'appelle pas la candeur d'une oie blanche tracassée par les lamentations de Jérémie (avouons qu’Isabelle Desrochers était inspirée dans le genre, Astrée) mais le port d’une tragédienne exhortant l'assemblée. Si les trois Leçons opposent souvent des tonalités majeures aux images terribles, c’est qu’il s'agit avant tout de clamer à pleine voix, dans la majesté et l'intensité du moment, les paroles sacrées. Et Delalande joue magistralement de la lumière dominante et des nuages noirs qui la voilent sur quelques notes ou déstabilisent un verset à mi‑chemin (génial O Vos Omnes).
Karthäuser abordait ce répertoire
en novice et
c'est une chance, car elle se
l'est approprié sans préjugé, par un travail profond, quand bien des
spécialistes trop sûrs de leur fait se contentent de saupoudrer trois
ornements sur un déchiffrage. Subtilement guidée par Daucé, elle
donne un sens, un élan, un poids à chaque mot comme les plus grands
évangélistes aux Passions de Bach. A la palette de sa voix répond
l'accompagnement très ouvragé. Un orgue, un clavecin, un théorbe, un
archiluth, une viole pour la basse, une autre pour les belles «
contreparties » glissées par les interprètes entre la basse et le chant,
composent un continuo plus copieux que ceux dont on disposait au
Grand Siècle pour ces mises en scène du « maigre musical ». Mais la
sauce (dont la jeune génération baroque raffole) ne camoufle ici jamais des
approximations, elle exalte au contraire la plus noble des nourritures
spirituelles. |
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