Voici le premier récital qu’offre Harmonia Mundi à Sunhae lm, soprano sud‑coréenne associée généralement aux troisièmes rôles dans les castings opératiques de René Jacobs. Celle qui a su se montrer irrésistible en soubrette (Serpetta) de la Finta Giardiniera (« Choc », Classica nº 147) ou en narcissique Poppée d'Agrippina (re‑« Choc », Classica nº 137) saurait‑elle nous séduire sous les traits du célèbre aède mythique ? Pari plutôt réussi dans les cantates italiennes signées Alessandro Scarlatti et Pergolèse : lm découpe les ornements avec un art consommé de la diction, roule les « r » avec gourmandise. Certes, sa vocalité tire les plaintes d'Orphée vers l'anecdotique d'une intrigue sentimentale davantage qu’elle ne charrie avec elle son défilé d'images apolliniennes, mais la théâtralité inhérente à ces pièces s'en accommode aisément. Cela devient plus gênant dans les cantates de Clérambault et Rameau : prenez ces phrases particulièrement traîtres comme « Fidèles échos de ces bois cessez... », ici difficilement intelligibles.

« Air tendre et piqué », lit‑on dans l'Orphée de Clérambault : la première épithète peine à s'affirmer par le truchement de cette voix, acidulée et blanche, sans parler de sa fâcheuse tendance à détimbrer systématiquement en fin de phrases. Partant, il devient ardu d'apprécier l'interprétation recherchée par Sunhae lm tant il lui est malaisé, contrairement à d'autres, d'altérer à des fins expressives ‑ notamment dans les passages déclamatoires du Rameau ‑ un matériau vocal déjà limité. Au final ce programme de cantates italo‑françaises, aussi beau qu’exigeant, aurait nécessité un Orphée disposant de plus d'une corde à sa lyre.