Analyste:
Sophie Roughol
Joli
titre, cette « Oreille
de Zurbaran ». Il est admis qu'après la génération glorieuse de
Victoria et Guerrero, la musique sacrée espagnole tombe en léthargie,
ressasse ses
gloires tout en cédant aux
sirènes italiennes. Vraiment ? Insensibles aux réflexions de
leurs confrères en art,
les musiciens ? Qui composait quand Zurbaran (1595‑1664)
peignait ? Enquêteur
patient, Paul Van Nevel offre en un disque le contexte musical de
l'exposition bruxelloise (jusqu'au 25 mai au Bozar).
Contexte tourmenté : la
Contre‑Réforme chasse l'hérésie et exige la clarté, Thérèse d’Avila et Jean
de la Croix distillent les
tentations, l'institution balance entre rempart et récupération. Les maîtres
de chapelle ont , à concilier l'idéal nouveau de l'extase mystique,
d’essence individuelle , et l’universalisme de la
Foi,
stile antico de
rigueur.
Le Miserere d’ Andrés Barea (ca 1610‑1680), alterne les versets
polyphoniques en double choeur (regard coulé vers Venise) et le plain‑chant.
Une découverte exceptionnelle avec ses textures changeantes, ses effets
d'écho sur « Tibi soli peccavi »,la montée en puissance du «
Libera me »,les altérations furtives des cadences, tout un vocabulaire
magnifié par Van Nevel. Son équipe fidèle du Huelgas n'est pas moins habile
quand l'écriture se réduit à une déclamation homophoniques sur un rythme
incantatoire: hypnotiques, les litanies du Lauda Sion à quatre de
Juan Garcia de Salazar (1639‑1710) contrastent avec le contrepoint doux de
l’Agnus Dei de Diego de Pontac (1603‑1654). Autre trouvaille, les
voluptueuses Lamentations de Fray José de Vaquedano (1642‑1711),
retards harmoniques et vocalises chavirées sur les lettres
hébraïques (trente‑cinq mesures pour CAPH !) Ponctué par trois
villancicos nostalgiques, ce miroir sonore aux à‑plats intenses et aux
grandes ombres austères de Zurbaran prend fin sur le Stabat Mater de
Miguel de Ambiela (1666‑1710), dépouillé et grandiose.
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