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Bernard Schreuders Si l’attribution pour laquelle milite Reinhard Fehling est juste, c’est une partition inédite de Pergolèse que René Jacobs révélait à Beaune l’été dernier (cf n°605) et gravait dans la foulée. Fehling, qui a découvert une nouvelle source de ces Sept paroles du Christ en croix dont les musicologues questionnent la paternité depuis des lustres, s’appuie également sur des liens thématiques décisifs avec l’oratorio La morte di San Giuseppe. Qu’elle soit ou non de Pergolesi, l’oeuvre vaut le détour. Chaque tableau s’articule en deux airs : le Christ commente une de ses paroles, à laquelle répond l’Ame pieuse (soprano, alto ou ténor). Ni choeur, ni ensemble, et seulement cinq récitatifs (accompagnés et très théâtraux) : nommée « oratorio » dans toutes les sources, cette succession d’airs n’a rien à voir, par exemple, avec l’oeuvre de Haydn sur le même thème. On peut s’étonner que Jésus, en principe une basse, devienne ténor dans la deuxième parole. De deux choses l’une: soit cette partie revenait à un baryton élevé, soit les paroles étaient échelonnées pendant la semaine sainte à la façon de sept cantates. Jacobs tranche dans ces notes de présentation : pour lui, ce curieux polyptique, que l’écoute continue n’avantage pas forcément, est un oratorio didactique et méditatif. Le style sensitivo prédomine dans ces quatorze airs où Pergolesi (?), partagé entre les grâces napolitaines et le pathos qu’appelle son sujet, multiplie les hardiesses d’écriture pour épouser la fluctuation du sentiment, Des variations de tempo peuvent enrichir la forme habituelle de l’aria da capo en subdivisant la partie B qui, par exemple, se décline Andante (« L’impatience gouverne »), Tardissimo (« Jésus, je t’implore») et Andante (« afin qu’à tout jamais et en toi seulement je mette ma foi »). L’effet saisit dans la première partie de l’ultime aria de l’Ame, quand jaillit, au coeur d’un vivace houleux (le croyant est frappé d’effroi), un largo e pianissimo (la lumière divine s’éteint). L’orchestration originale, avec ses solos de cor, harpe, alto ou trompette avec sourdine, a certainement flatté le goût de Jacobs pour l’opulence sonore. Il sait révéler, à la tête des forces berlinoises, la variété dramatique de l’oeuvre et magnifie la théâtralité des tableaux les plus saisissants (Verbum V: Sitio). La palette vive en couleurs séduit, même si l’exubérance ornementale d’un solo d’alto se heurte à l’émouvante sobriété de la ligne de chant, consommant le divorce de la rhétorique baroque et de la frivolité galante. Autour du Christ de Konstantin Wolff, désarmant d’humanité, Sophie Karthaüser, Christophe Dumaux et Julien Behr traduisent avec une éloquence remarquable les élans d’une âme inquiète et fervente.
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