Texte paru dans: / Appeared in:
*


Diapason # 644 (03/2016)
Pour s'abonner / Subscription information


Erato 2564697458



Code-barres / Barcode : 0825646974580

Appréciation d'ensemble:

Outil de traduction ~ (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
 

Analyste: Philippe Ramin

Pour son deuxième disque en solitaire Jean Rondeau réunit deux musiciens qui se disputèrent « en plein café » en 1742. Le succès d'un Royer venu presque par hasard à la musique, soutenu par une famille royale dont il supervise l'éducation musicale, un caractère aimable facilitant les relations sociales: il n'en fallait sans doute pas plus pour s'attirer les foudres du Dijonnais. Jean Rondeau a construit son programme autour de deux axes, l'art du chant et l'attrait pour le fantasque. Il possède un sens aigu de la nature de chaque instrument, tout comme un cavalier émérite sait communiquer avec sa monture. Le merveilleux clavecin du château d’Assas, instrument anonyme indissociablement lié à Scott Ross, l'inspire de toute évidence. Le Prélude de Rameau, ouverture vers un monde onirique, promet déjà beaucoup. Le sens des tensions harmoniques et la prise de possession de l'espace justifient la singulière tranquillité de la seconde partie. Mieux qu'une alternance (somme toute prévisible) de fracas et de susurrements, Le Vertigo met en scène un personnage en proie à une anxiété proche de la folie. Dans ce théâtre fortement incarné, la vérité psychologique moderne emplit l'étoffe du costume historique, tout comme L'Aimable et La Zaide proposent un genre « tendre » exempt de toute mièvrerie. Ici on admire la beauté formelle d'une danseuse libérée de la gravité, là une plainte presque suffocante.

Le bel ondoiement des croches conduit L'Entretien des Muses vers un second couplet quasi rêvé; l'art de la déclamation se double de troublantes interrogations dans Les Tendres Plaintes. Et la Musette en mi retrouve la mobilité orchestrale qu'on lui connaît dans Les Fêtes d'Hébé. Les ornements sensuels du Tambourin  en mi font espérer que le jeune claveciniste envisage un jour une intégrale.

On attend évidemment dans la virtuosité décomplexée celui qui s'affiche volontiers en hipster rebelle de la corde pincée, et là encore il étonne. Sa Marche des Scythes est une véritable représentation de la nature guerrière du peuple décrit par Hérodote, coulée dans une stylisation de grande classe. Dans un tempo affolant, il organise d'extraordinaires ruptures de ton flanquées de cadences explosives, tout en tenant la bride de la forme du rondeau. La prise de risque survoltée ne brusque jamais la nature de l'instrument, c'est là tout le sel et la valeur de cette vision éblouissante. Inégal, parfois complaisant dans ses manières et son rubato, le récitai Bach paru l'an dernier laissait quelques doutes sur l'avenir d'un musicien qui entre, avec cet opus 2, dans la cour des grands.

 

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews