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Diapason # 644 (03/2016)
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Code-barres / Barcode : 0028947945956

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Denis Morrier

J'avoue! Je suis un fan de Magdalena Kozena, j'ai reçu,avec passion ses
« Lettere amorose » (Diapason d'or), j'ai été transpercé par sa Médée de Charpentier à l'Opéra de Bâle l'an dernier. Sa voix de chair et d'âme m'a toujours parlé jusqu'à cet album inégaI, qui recèle tout de même d'admirables joyaux.

 

Les deux lamenti d'Ottavia (extraits de L’incoronazione di Poppea) sont d'autant plus intenses qu'ils sont sobres. L’ampleur et la noblesse de la déclamation lui donnent une autorité dramatique hors norme. Le tableau érotique et multicolore de Con che soavità touche au miracle ! La soupIesse extatique du chant se double d'une habileté redoutable des insinuations et des silences ‑ les couleurs chatoyantes de La Cetra, entre ténèbres des violes et fulgurances des violons, font le reste. A ranger entre les géniales Berberian et Von Otter.

 

Mais je ne peux adhérer à son Combattimento. La soprano tchèque suit ici l'exemple d’Anna Caterina Antonacci, fervente diseuse, naturellement sensuelle, naturellement guerrière, plus convaincante néanmoins au concert qu'au disque (Naïve). La transposition pour soprano de la partie du Testo (ténor) prend le risque d'atténuer les contrastes lors des interventions de Clorinde (soprano) et de Tancrède (autre ténor). Certes, Kozena s'efforce d'opposer les personnages par de subtiles inflexions de timbre, ou encore à varier les atmosphères (délicatesse poétique de la strophe Notte). Sa narration offre un modèle d'intelligibilité et d'éloquence, mais l'omniprésence de cette couleur aiguë, à l'expression perpétuellement lyrique uniformise la dramaturgie de l'oeuvre.

 

Son Lamento della Ninfa s'avère aussi paradoxal. Dans le trio initial, le continuo est envahissant, la contrebasse défigurant le contrepoint serré des trois voix masculines. La lamentation centrale est inouïe : le choix d'un tempo inhabituellement retenu permet à la mezzo d'adopter un rubato enfin convaincant, qui illustre idéalement l'énigmatique tempo dell'affetto mentionné par Monteverdi dans sa partition. Mais pourquoi Marcon pollue‑t‑il l'accompagnement par un invraisemblable psaltérion aux arpègements hors style? Jamais Monteverdi n'évoque cet instrument, ni dans ses oeuvres, ni dans sa correspondance. Le savant Marcon se laisserait‑il gagner par la mode « scintillante » lancée par L’Arpeggiata ?

 

Ses musiciens bâlois sont admirables, et souvent même éblouissants: il en est ainsi du cornettiste virtuosissime qui s'est invité avec les deux sopranos (Magdalena Kozena étant alors rejointe par l'excellente Anna Prohaska) dans le fameux Zefiro Torna, pour lequel Monteverdi ne souhaitait pourtant que deux ténors et une basse continue ‑ Marcon, ici encore, suit L’Arpeggiata. Avec certaines des voix plates et des sopranos‑limandes dont le baroque se contente encore parfois, ces colifichets flatteurs font leur effet et détournent l'attention. Mais avec Kozena!? On rêve qu'elle s'astreigne à l'exercice suprême : un retour aux sources du baroque où la beauté du mot serait soutenue par un luth seul ‑ comme le lied se satisfait du piano.

 

 

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