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Diapason # 633 (03/2015)
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Glossa
 GCDP31907




Code-barres / Barcode : 8424562319073

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: David Fiala

Avec les deux premières messes sur cantus firmus de Dufay, Cantica Symponia s'attaque au centre de gravité du répertoire qu'ils explorent sans relâche depuis les récitals qui les ont révélés chez Stradivarius: en 1998 et 1999, ils confrontaient déjà les premières compositions du maître pour la messe, des années 1420, à son chant du cygne, sa quatrième et dernière messe sur cantus firmus (ce. 1470). Entre temps, leur intégrale en trois volumes des motets isorythmiques (des années 1420 à 1440) a suscité autant d'enthousiasme que de débats. Car Maletto est le plus ardent défenseur de Dufay mais aussi d'un choix d'interprétation hétérodoxe qui revendique, contre les vents dominants de l'esthétique a cappella et avec une nostalgie assumé des années 1970, le mélange de voix solistes et d'instruments (ici sept voix mixtes, avec orgue, harpe, deux vièles et deux trompettes, à coulisse). L'instrumentation, dans sa pratique aguerrie, n'est pas seulement une parure mais un moyen de rehausser certaines nervures de la polyphonie, en mode d'analyse sonore.

 

Les deux chefs‑d'oeuvre au programme, peut‑être inspirés par des événements de l'année 1453 (l'acquisition du suaire de Turin par le protecteur de Dufay et la prise de Constantinople par les Turcs), font partie des premières messes dites « cycliques ». Ce nouveau genre initié en Angleterre reprend le principe d'unification musicale du défunt motet isorythmique (la répétition rigoureuse d'un thème par la voix de ténor) pour le porter à l'échelle d'une composition en cinq mouvements séparés (Kyrie, Gloria, etc.), d'une durée totale dépassant souvent la demi‑heure.

 

En mêlant ses instruments à ces architectures, Maletto n'ignore pas qu'il franchit un palier dans son hérésie. Tout indique que le groupe vocal masculin a cappella était la norme d'interprétation de la musique religieuse à cette époque, mais rien n'autorise à en bannir absolument les instruments, et quelques témoignages signalent même l'exécution de messes dans des appartements princiers en compagnie d'instrumentistes (pour les voix de femmes, c'est plus compliqué mais mieux vaut ne rien exclure par principe). Au‑delà des arguties historiques, l'important relève de l'esthétique et du plaisir d'écoute.

 

Il se trouve que le plus fin théoricien de la musique d'alors, Jean Tinctoris, a érigé la « variété » en but ultime de l'art de composer en citant la Missa L’Homme armé de Du Fay comme modèle à imiter, et Maletto le sait. Son instrumentation de la Missa Se la face ay pale reprend celle de Munrow (cantus firmus du ténor confié à la trompette à coulisse) en ajoutant des doublures et interludes d'orgue et vièles, tandis que la Missa L’Homme armé, avec la harpe en sus, est librement enluminée au gré des textures contrapuntiques.

 

Si on pouvait craindre que la diversité des combinaisons (jusqu'à des duos de soprano et trombone) ne morcelle le fil du discours, c'est paradoxalement un manque de variété qui finit par se faire ressentir. L'ensemble exploite en effet presque toutes les possibilités de sa palette sauf celle qui aurait offert le plus fort contraste : le tutti a cappella.

A la longue, la plénitude harmonique propre à la fusion des voix seules nous manque cruellement et le discours ne semble plus conduit que par une, trame d'orgue et vièles.

 

Pour autant, la musicalité et le savoir‑faire de ces virtuoses réservent plusieurs moments de grâce, et cet album marque un jalon de la disco­graphie dont on n'épuisera pas la richesse en ces quelques lignes. Si la Missa Se la face ay pale a déjà été plutôt bien servie, notamment dans un disque superbe de Diabolus in Musica (Alpha, Diapason d'or, 2004), les deux versions disponibles de la Missa L'Homme armé (Hilliard En­semble et Oxford camerata) méri­taient d'être concurrencées. A qui le tour ?

 

 

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