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Analyste: Jean-Luc Macia
Philippe Herreweghe, qui n’a jamais nourri le projet d’enregistrer l’intégrale des cantates de Bach, en a tout de même réalisé une copieuse anthologie au fil des ans. Une anthologie qu’il peaufine désormais sous son propre label, en préférant parfois revenir à des oeuvres déjà gravées plutôt qu’en livrer de nouvelles. Seule une des quatre cantates au programme de cet album (BWV 48) ne figurait pas encore à son palmarès. Au jeu des comparaisons avec ses lectures précédentes, l’évolution n’est pas évidente. L’effectif vocal s’est resserré (désormais douze choristes seulement, dont les quatre solistes) sans grande conséquence sur la couleur et le caractère de cette étoffe chorale souple entre toutes. L’interprétation réserve peu de surprises mais permet de mesurer quelques nuances. Par exemple dans la cantate BWV 44 (que renfermait autrefois un disque fameux chez HM avec l’Oratorio de l’Ascension BWV 11), Herreweghe opte pour des tempos plus nerveux, patents dans le duo d’entrée ténor/basse et surtout dans le choeur qui s’y enchaîne. Dans l’ensemble, les arias sont animées avec un peu plus de tonus qu’autrefois, mais le complexe choeur d’ouverture de la BWV 109, quoique toujours savamment structuré, a perdu en tension : ses oppositions entre doute et foi ont moins de relief, à cause d’un orchestre (cors et hautbois) plus effacé. On admire dans la BWV 48 le caractère lugubre du premier choeur, parfaitement adapté à ce cri du « misérable » attendant que la mort le délivre de son corps. Ce sens des atmosphères reste la carte maîtresse d’Herreweghe, avec le répondant du Collegium Vocale. Autrefois il bénéficiait d’incontestables solistes: Barbara Schlick, Gérard Lesne, Christoph Prégardien et Peter Kooij nous ont tiré des larmes. Le baryton est toujours au rendez-vous, stylé mais la voix un peu usée. Les nouveaux sont honorables : Dorothee Mields se sort bien de son aria de la BWV44, Thomas Hobbs n’a ni la suavité ni le sens du legato de Prégardien, mais sa technique lui permet de dominer ses nombreuses interventions. Le meilleur atout de l’album est un stupéfiant Damien Guillon, judicieusement théâtral dans ses récitatifs, souverain de timbre et de dynamisme dans ses airs. Toutefois, pour qui possède les anciennes versions de Herreweghe, acheter cette nouveauté ne s’impose pas, à moins de vouloir à tout prix sa vision de la BVVV 48 et se laisser tenter par un bref bonus: un motet à cinq voix d’un prédécesseur de Bach à Leizpig, Schelle, sur un texte également « motettisé » par Johann Sebastian — Komm, Jesu, komm — et chanté à cinq solistes.
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