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Analyste: Jean‑François Lattarico Rien de vénitien chez ce Gaetano Veneziano, organiste de la chapelle royale de Naples, dont on n’avait jusqu’à présent qu'une poignée de motets et quelques pièces instrumentales. La découverte d'un recueil de quatre oratorios au Conservatoire de Bruxelles vient enrichir notre connaissance d'un maître du baroque napolitain, au même titre que Provenzal, dont Veneziano fut l'élève, ou que Caresana, tous deux déjà bien servis au disque grâce à Florio, infatigable sourcier. La santissima trinità fut donnée en 1693, à une époque où Naples résonnait des opéras de Scarlatti. Cet oratorio en un acte, pour un petit ensemble de cordes et cinq chanteurs qui se réunissent dans le choeur initial et la conclusion, décrit le combat allégorique de la Trinité (le Père=I'Omnipotence, le Fils=I'Amour divin, et le Saint‑Esprit=la Sagesse) pour protéger la Vierge du Démon (=le Péché, seule voix grave dans cet aréopage aigu). Le livret d’Andrea Perucci, librettiste de Provenzale est une merveille de rhétorique baroque : la joute oratoire s'inscrit dans la tradition des drames sacrés d'un Marazzoli (La vita umana) ou d'un Provenzale (sublime Colomba ferita révélée jadis par Florio), mais dans un format proche de la cantate spirituelle.
La musique est fort belle, typique du goût napolitain qui sait habilement mêler, notamment à l'église, polyphonie, style concertant et motifs populaires. Dramatique en diable, l'oeuvre regorge d'airs langoureux (superbe « Quanto so, voglio crearla » de Sapienza, ou « Quel quardo che amoroso » de la Vierge, sommet de la partition), au rythme ternaire caractéristique (« Sono amore e innamorato » d’Amor divino), tandis qu'au Péché échoient de magnifiques pièces concitate (scène de bataille, invocation aux enfers, airs de vengeance). Cette Sainte Trinité dont l'allégorie épouse si bien le pathos le plus sensuel, s'achève en mi mineur, par un ultime hommage symbolique au culte de la Vierge, que les Napolitains perpétuent encore aujourd'hui.
L'interprétation est lumineuse. Malgré une projection limitée, le jeune contre‑ténor Filippo Mineccia sait varier les couleurs, et son chant fait souvent mouche (le « Spezzerai le catene » arracherait des larmes aux pierres); Leslie Visco est une Vierge tout en retenue, non moins pathétique. Si le ténor Totaro ou la basse Naviglio, piliers des Turchini depuis la première heure, pouvaient décevoir dans un répertoire plus exigeant, ils sont ici à l'aise dans l'écrin d'un ensemble de cordes qui exalte le théâtre baroque des passions humaines. Bien des oratorios et des drames sacrés dorment encore dans les bibliothèques de Naples...
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