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Diapason # 654 (02/2017)
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Glossa
GCD922515




Code-barres / Barcode : 8424562225152

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Jacques Meegens

On ne s'attendait pas à ce que le collectif bâlois, expert dans le versant instrumental du Moyen Age, dédie un album presque entier à de la musique vocale. Seule une poignée de pièces font entendre le délicat duo clavicymbalum/luth des fondateurs de l'ensemble, Corina Marti et Michal Gondko. Leurs deux instruments de prédilection soutiennent néanmoins les chanteurs et leur répondent tout au long du disque, avec le renfort d'une vièle et d'une flûte.

Les répertoires abordés expliquent peut‑être ce changement d'effectif. La Morra se plonge dans les cantiones latines et les contrafacta du XVe siècle: de nombreuses chansons en langue française, dont la réputation rayonna jusqu'en Europe centrale, ont vu leurs textes remplacés par des paroles en latin, plus compréhensibles par les cours autochtones où elles atterrissent au fil des voyages de musiciens. La poésie latine ‑ à thématique souvent religieuse ‑, loin d'être occultée par un jeu purement instrumental, se trouve mise en lumière par un quatuor masculin aux voix droites et pleines (dont certains membres se distinguaient déjà dans le splendide panorama construit autour du pape Léon X et salué par un Diapason d'or dans le no 646).

Des motets et d'autres pièces sacrées viennent compléter le programme, comme un Christus... vinctos/Cho­rus move/Christus... mala anonyme aux accents de Philippe de Vitry ou le Kyrie Fons bonitatis de Petrus Wilhelmi de Grudencz, compositeur polonais récemment redécouvert. Dans cette oeuvre, son style évoque le jeune Guillaume Dufay.

Car bien loin des motets isorythmiques ultérieurs de Dufay, La Morra lève ici le voile sur des musiques plus quotidiennes, sans jamais être ordinaires, et souvent empreintes d'un délicieux archaïsme (Gondko dit « de rétrospection »). Petrus Wilhelmi, né dans les terres des chevaliers teutoniques puis actif à la cour de l'empereur Frédéric III, apparaît comme un emblème de ce style musical fort de ses traditions polonaises, germaniques ou bohémiennes, tout en se nourrissant d'une fine modernité originaire de Bourgogne et d'Italie.

Peut‑être sous l'influence de ce sentiment rétrospectif, La Morra se montre moins audacieuse qu'à son habitude, qu'il s'agisse de musica ficta (les altérations accidentelles omises des manuscrits médiévaux, mais que les interprètes doivent ajouter d'eux‑mêmes en suivant la théorie musicale) ou d'ornementation. Sa ‑ toute relative! ‑ sagesse lui permet cependant de présenter avec une parfaite clarté les nombreux inédits qui enrichissent un programme solidement construit et à l'impeccable musicalité. La Morra se situerait‑elle à un tournant esthétique ?


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