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Analyste:
Gaëtan Naulleau
Philippe Pierlot, qui fut l’un des premiers apôtres du choeur de solistes chez Bach, pousse l’expérience dans les cantates les moins attendues. Il s’était d’abord interessé aux pages les plus chambristes de Mulhäusen et Weimar, destinées à des espaces bien moins vastes que la nef gothique de Saint-Thomas. La démonstration sonore (et historique) ne posait guère de problème. Puis il s’est tourné vers des oeuvres plus étoffées, avec son Ricercar Consort toujours splendide (Magnificat, Trauerode, Passion selon saint Jean), et maintenant se mesure à deux partitions où Bach affiche un apparat fastueux. II faut
croire qu’à Saint-Thomas, les fidèles, n’en revenaient pas le matin de Noël
1723 : rien de ce qu’ils avaient pu entendre jusque-là ne les préparait au
divin fracas des quatre trompettes, trois hautbois et timbales rehaussant la
joie de Noël dans les premier et dernier choeurs de la BWV63. Deux ans plus
tard, pour la même occasion, Bach reprenait le mouvement initial de
l’Ouverture pour orchestre BWV1069 et greffait un choeur sur la partie
fuguée. Dans cet imposant portique de la BWV110, le combat semble perdu
d’avance pour les quatre solistes de Pierlot : ils ne manquent pas de
présence (ils sont placés comme il se doit au premier plan et chantent à
merveille, à pleine voix) mais d’ampleur face au grand spectacle
instrumental. Bach avait pourtant réglé le problème : dans cette composition
rutilante (comme dans la BWV63 et six autres), il avait prévu que quatre «
ripiénistes » se joignent aux solistes (« concertistes ») dans les
ensembles. Pierlot, hélas, en fait l’économie : la doublure par un groupe de
ripiénistes, disposé à l’écart des chanteurs principaux, aurait offert, plus
qu’un gain en volume sonore, un autre espace, une autre profondeur. Airs et
duos, en revanche, nous comblent. On pourra toujours rêver d’une déclamation
plus franche que celle de Maria Kehoane, d’une basse... plus basse que le
clair Stephan McLeod, qui tente de grossir sa voix pour l’air avec trompette
de la BWV110, mais leur façon de faire de la musique avec les instruments,
dans un esprit de dialogue essentiel chez Bach, est au-dessus de tout
reproche (superbe duo entrelacé avec le hautbois dans la BWV63). Ardents et
subtils, le ténor Julian Prégardien et le contre-ténor Carlos Mena nous
captivent à chaque mot, chaque note. Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’air
élégiaque avec flûtes du premier dans la BWV110, l’air sinueux avec cordes
du second dans la BWV151, leur duo dans la BWV63, reposent autant sur leur
éloquence que sur tous les pupitres d’un Ricercar Consort particulièrement
investi et inspiré. |
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