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Classica # 169 (02/2015)
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Mirare
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UN SCARLATTI OUI VA PIANO

 

Tant de finesse, de joliesse et de délicatesse dans les sonates de Domenico Scarlatti par la pianiste Anne Oueffélec n'a pas fait l'unanimité à la Rédaction de « Classica ». Bilan.

 

Pour :

Dans le texte de présentation, Anne Queffélec nous dit qu'elle a sélectionné ces 18 sonates « sur des coups de coeur [avec une approche] qui est celle d'une amoureuse, pas d'une spécialiste ». Ses choix sont, en tout cas, judicieux car ils jouent de l'alternance des tonalités et des atmosphères. La pianiste ne se préoccupe guère ici d'organologie. On ne trouvera pas ce goût pour valoriser la « modernité » de l'écriture que l'on entend paradoxalement sous les doigts de certains clavecinistes. Ce n'est pas un paramètre qui interpelle Anne Queffélec. À l'instar de Murray Perahia et Christian Zacharias, elle est d'abord attirée par la vie qui surgit de ces pages, le mélange d'humour et d'espièglerie italienne et espagnole, l'incroyable fantaisie de ces miniatures si délicates à restituer. Anne Queffélec associe aussi les pièces connues avec d'autres sonates moins réputées (K. 144, K. 147, K. 149). Certaines « brillent » vers Bach et Mozart (K. 144), d'autres, plus loin encore, pressentent le bel canto (K. 32, K. 109). Celles‑ci ont abandonné le crépitement de la toccata pour ne laisser que le chant de la main droite. Le piano bien réglé met en valeur le piqué, presque le pincé comme pour mieux restituer le « piment » du clavecin (K. 551). Parfois même, on croirait entendre de la musique française, celle du Grand Siècle dans l'ornementation et le phrasé si particulier de certaines sonates (K. 246). Ce disque n'est pas seulement un récital consacré à Scarlatti. Il est plus encore le voyage intimiste de l'une des grandes personnalités du piano d'aujourd'hui et dont la carrière au disque débuta, précisément, avec Scarlatti.

 

Stéphane Friédérich

 

Contre :  

Ce florilège fait suite à plusieurs disques récents consacrés par AnneQueffélec au répertoire ancien chez Mirare (Bach, Haendel) et nous arrive 40 ans après un premier disque de sonates de Scarlatti paru chez Erato. Des enregistrements qui ont leurs fans (ils ont d'ailleurs été bien critiqués dans ces colonnes en leur temps), mais au sujet desquels nous avons toujours eu des réserves, largement confirmées ici. Certes, une fois encore, la prise de son est admirable, le jeu aussi, tout en finesse, et d'une sonorité toujours choisie, délicate et sensible. Mais comme on s'ennuie à contempler tant de joliesses ! Bien que le , choix des morceaux enregistrès nous semble judicieux, car varié et personnel, alternant les sonates connues et les découvertes, il participe, par son équilibre, à ce climat serein, apaisé, et au final si peu scarlattien du disque. Où se trouve la « folle vita­lité », la « fierté rocailleuse » dont parle Rodolphe Bruneau‑Boulmier dans le

texte de la pochette à propos du compositeur ? Pourquoi toutes ces sonates devraient‑elles sonner avec la même élégance, la même tendresse ? Comme si ces oeuvres n'étaient que moments d'équilibre, construc­tions de lignes apaisées ou légèrement teintées d'une douce nostalgie, images mu­sicales d'un bonheur trop simple pour être vrai...

Pour apprécier au piano toute l'imagination poétique de Domenico Scarlatti, retour obligé à Zacharias (EMI et MDG), notre grande référence moderne.

 

Pierre Massé

 

  

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