Steffani est un grand compositeur. Premier de ses opéras à paraître en intégralité chez une major, cette Niobe atteste d'une science musicale débordante, au service d'une implacable efficacité dramatique. À travers la réécriture du mythe d'Amphion, le talent s'impose avec insolence pour illustrer au premier acte rien moins que l'harmonie des Sfere amiche ‑ un futur classique ? Ce chant sublime d'un musicien élevé à la dignité des dieux, Jaroussky en paraît l'incarnation prédestinée : le timbre est là, unique et évident, qui séduira sans peine les inconditionnels. Faut‑il pour autant passer sous silence une inspiration peu prodigue de contrastes, qui semble se reposer sur l'instrument vocal plus qu’elle n'investit le personnage ? À cet égard, Karina Gauvin fait preuve d'une plus grande inventivité dans les scènes sensuelles et les lamenti du rôle‑titre, souvent bouleversants, mais convainc plus difficilement dans le registre autoritaire de la reine orgueilleuse, où la voix manque de volume et de couleurs. Au sein de l'intrigue principale, le Clearte d'Aaron Sheehan offre le plus bel effort de composition, tandis que Forsythe, Balzer et Immler forment un émouvant trio des amants et du beau-père, accordé sur une déclamation limpide.

En cette saison où le Boston Early Music Festival fête ses vingt‑cinq ans, ses musiciens qui enregistrent depuis dix ans ‑ affichent une entente de grande qualité, une sonorité impeccablement homogène, des textures souvent captivantes ; on ne souhaiterait qu'un léger surcroît de tension rythmique. Heureuses prémices, espérons-le, d'une longue aventure steffanienne au disque!