WUNDERKAMMERN
(01/2017)
(Blog de Jean-Christophe Pucek
qui n'est plus accessible sur la Toile)
Arcana
A400
Code-barres / Barcode : 3760195734001
Analyste: Jean-Christophe Pucek
Même si on n’épuise jamais totalement
les beautés de la musique de Johann Sebastian Bach, il est permis de se demander
si un nouvel enregistrement de ses Ouvertures, qui plus est incomplet et fort
probablement destiné à le demeurer, s’imposait réellement dans une discographie
qui, de Musica Antiqua Köln à l’Akademie für Alte Musik Berlin en passant par
Café Zimmermann ou même, pour les amateurs d’une esthétique plus tempérée, The
English Concert, n’est pas avare de réussites. Il faut dire que cet ensemble de
quatre partitions, non conçu comme tel au départ, visant à faire resplendir les
couleurs d’un orchestre fourni – l’Ouverture en si mineur BWV 1067 se situe un
peu en marge par sa tonalité plus « assourdie » que les trois autres et son
absence de hautbois, de basson, voire de trompettes et de timbales – a de quoi
opérer sur les interprètes d’hier comme d’aujourd’hui une irrésistible
attraction.
Bach les composa très probablement –
certains musicologues ont émis d’autres hypothèses sans réellement convaincre –
alors qu’il se trouvait à Cöthen, au service de Léopold, un prince qui pour être
calviniste n’en était pas moins mélomane (il avait étudié, entre autres, auprès
de Johann David Heinichen à Rome) et avait réuni au sein de sa cour une phalange
de musiciens aguerris (dix-huit en 1716) auxquels il donna en 1717 un
Kapellmeister à leur mesure. La religion de son jeune employeur ne les requérant
pas pour le culte, il put exercer pleinement ses talents dans le domaine
séculier où il développa une intense activité ; outre les Ouvertures, les
Concertos brandebourgeois, les Sonates pour violon et clavecin, les Suites pour
violoncelle seul, le Premier livre du Clavier bien tempéré figurent, entre
autres, parmi les œuvres que l’on peut rattacher à cette période. Porté par le
rayonnement qui s’attachait alors à la culture française, le genre typiquement
germanique de l’Ouverture connaissait une importante vogue en ce premier quart
du XVIIIe siècle ; il se compose canoniquement de l’ouverture tripartite calquée
sur le modèle lulliste qui lui donne son nom et voit se succéder un mouvement
solennel marqué par des rythmes pointés, un plus rapide généralement fugué et,
pour finir, le retour abrégé du premier épisode, puis d’une suite de mouvements
inspirés par les danses dont ils portent le titre à moins qu’ils ne reçoivent
des appellations imagées – grande spécialité de Telemann – telle la Réjouissance
sur laquelle se referme l’Ouverture en ré majeur BWV 1069. À l’opposé de BWV
1067 que sa distribution pour flûte, cordes et basse continue semble destiner à
un cadre intimiste, les trois autres Ouvertures sont clairement des œuvres
d’apparat que l’on imagine sans trop de difficulté avoir été jouées lors de
festivités officielles ; cette dimension explique sans doute que Bach n’hésita
pas à les reprendre au besoin lors de son cantorat à Leipzig. Si l’on excepte le
lyrisme retenu et légèrement mélancolique de l’Air de BWV 1068, aujourd’hui un
des plus célèbres morceaux de son auteur au-delà même de la sphère du «
classique », il ne faut pas demander à ces pages une profondeur qui n’est pas
leur propos ; elles n’en demeurent pas moins exigeantes, en termes de virtuosité
et d’alacrité rythmique, pour les interprètes (Passepied de BWV 1066, Bourrée de
BWV 1069) qu’elles poussent parfois dans leurs derniers retranchements, offrant
à l’auditeur un véritable festival de couleurs mais également, pour qui sait les
entendre, de subtiles variations d’atmosphère qui dépassent les limites du
genre. Il est assez évident que Bach avait conscience de la valeur de ces pièces
; ne choisit-il pas, en effet, de réemployer l’ouverture de BWV 1069 pour le
chœur d’entrée de sa cantate Unser Mund sei voll Lachens BWV 110 ? Suivant cette
logique, Alfredo Bernardini propose la reconstitution de deux ouvertures «
perdues » – il semble, en effet, assez évident que les quatre survivantes ne
sont qu’une petite partie d’une plus vaste production – à partir des chœurs
initiaux des cantates BWV 119 et 194 qui adoptent une coupe à la française ; si
l’on peut se perdre en arguties musicologiques quant à la validité de la
démarche, le résultat est tout à fait séduisant d’un strict point de vue
musical.
Réussir
l’interprétation de ces pages festives et théâtrales pourrait, de prime abord,
paraître facile ; il suffirait de jouer fort, de multiplier les effets de manche
et de beaucoup s’agiter pour que ça fonctionne, ce que font un certain nombre de
versions creuses qui encombrent la discographie. De Zefiro, du moins pour qui
suit, comme c’est mon cas, son travail depuis ses premiers disques chez Astrée
(profitons-en pour saluer la réédition récente de ses Zelenka qui l’ont fait
connaître et n’ont pas pris une ride), il est évidemment permis d’attendre tout
autre chose et l’écoute de cet enregistrement est à la hauteur de cette
espérance. Il réunit, en effet, toutes les qualités exigibles, à commencer par
une irréprochable propreté technique tant du point de vue de la mise en place –
le continuo, à la tête duquel on retrouve avec plaisir le claveciniste Francesco
Corti, est impeccablement tenu – que de la justesse (et l’on mesure pleinement,
à cette aune, les progrès accomplis au fil des décennies en termes de jeu sur
instruments « d’époque »), cette maîtrise permettant aux musiciens de se libérer
complètement et de déployer une virtuosité parfois explosive et pourtant sans
aucune brutalité qui se manifeste aussi bien au niveau des pupitres des bois et
des cuivres que de ceux des cordes (l’ouverture de BWV 1068 est éloquente sur ce
point, bravo à Nicholas Robinson). Chaque mouvement est caractérisé avec soin et
l’on note l’attention particulière apportée à la respiration de l’ensemble ainsi
qu’à la fluidité mélodique, avec une recherche de sensualité sonore d’autant
plus appréciable qu’elle n’émousse en rien les angles et n’affaiblit pas les
carrures rythmiques. Mise en valeur par une prise de son précise et chaleureuse,
la lecture débordante de vitalité, parfaitement architecturée et procurant un
grand sentiment de naturel que proposent Alfredo Bernardini et Zefiro des
Ouvertures de Bach est un enchantement permanent et renouvelé au fil des
écoutes, et l’on ne pouvait imaginer meilleure illustration que le capitule d’alium
qui orne sa pochette de corolles étoilées semblant fuser du cœur comme un feu
d’artifice pour illustrer l’éclatante réussite de ce disque.
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