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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Gaëtan
Naulleau
Céline Frisch a donc attendu quinze ans pour se lancer dans un autre cahier de Bach, après les Variations Goldberg qui l'ont révélée. L’autorité du propos nous suggère d'y voir plus de maturation que de nonchalance !
Ce Clavier bien tempéré se déploie avec une telle aisance, une adéquation si intime des idées et de la matière sonore, qu’un auditeur distrait ne remarquera peut‑être pas son originalité puissante. Des dernières gravures (Kenneth Weiss et Christine Schornsheim épatants, Christophe Rousset assez nerveux, Luc Beauséjour modeste), seul John Butt escaladait dans chaque mouvement le beau rempart des habitudes (cf no 631). Comme Pierre Hantaï dans un Premier Livre sinueux et déroutant (cf no 499), il réinjectait dans l'écriture de Bach un sentiment d'improvisation, et multipliait les rubatos calqués sur de (fausses) hésitations. Rien de tel ici, où domine, à l'inverse, une franchise virtuose. Le rythme vient muscler le contrepoint où on l'attend le moins (Prélude en si majeur, Fugue en do dièse mineur).
PING‑PONG
Beaucoup plus introverties, les Goldberg de 1999 présentaient pourtant une signature inchangée: une profonde écoute harmonique anime chaque mouvement d'un balancement large, le plus pétillant (Prélude en si bémol majeur) et le plus accentué (le contretemps de la Fugue en sol majeur!) ne font pas exception.
La diction directe et les timbres, assez courts caractéristiques des clavecins allemands (et magnifiés par Anthony Sidey dans cette copie) sont indissociables d'une relecture où le contrepoint n’est pas un réseau formel mais une partie de ping‑pong. L'accent, le rebond ? L'air de la fugue. Par exemple dans celle en fa dièse mineur, dont l'articulation singulièrement ferme (et soulignée par le « jeu de nasard ») laisse disparaître les barres de mesure.
La concentration rythmique des motifs passant d'une voix à l'autre stimule immédiatement l'oreille, mais risquerait aussi de la lasser : Céline Frisch (et les micros d'Aline Blondiau) contourne(nt) cet écueil avec beaucoup de tact. Dans des tempos très allants, voire très vifs, elle évite à la fois de lisser les contours et de saturer la trame. L'oreille est alors captivée par une discussion animée entre amis (Fugue en sol dièse mineur, plus proche de Glenn Gould que de Gustav Leonhardt !), un tête-à‑tête ludique (qui l'eût cru dans la fugue chromatique en mi mineur), des geysers (fugues en ré majeur et la majeur), une lamentation véhémente (Fugue en si bémol mineur osée, assumée), un ballet monté sur ressorts (Fugue en mi bémol), une énigme (Fugue en si bémol majeur).
Ce Clavier bien tempéré peu soucieux de séduction et de contemplation, dont l'inépuisable vigueur ne se prête sans doute pas à une écoute continue (mirage anachronique du disque), ne fera certainement pas l'unanimité, et c'est parfait ainsi !
Le livret se termine sur la longue liste des bonnes âmes qui ont répondu sur Internet à un appel aux dons. Sans eux, l'album publié par Alpha n’aurait pas vu le jour. Vous savez ce qu'il vous reste à faire si le Deuxième Livre vous manque déjà.
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