Analyste: Océane Boudeau
Cap sur la Galice, plus
précisément la ville de Vigo, battue par les vents et les embruns. Martin
Codax, poète‑compositeur, nous a laissé sept cantigas dont une sans
musique. Il a peut‑être vécu sous le règne d'Alphonse Ill du Portugal
(1245‑1279). Cette époque d'effervescence artistique a profité de
l’influence des troubadours, mais les cantigas galégo‑portugaises ne
sont pas de pâles copies des modèles occitans. Outre la spécificité de leur
langue, elles sont globalement plus courtes et comportent souvent un
refrain.
Vivabiancaluna Biffi est une fois de plus merveilleuse dans cette
pérégrination poétique sans filet, avec la complicité de Pierre Hamon pour
quelques interludes. Elle chante et s’accompagne à la vièle dans deux
cantigasde amor (de Rui Fernandes de Santiago et de Paio Gomes Charinho,
dans la tradition de la fin'amor) et les cantigas de amigo de
Codax. Ces dernières détaillent les sentiments d'une femme en l'absence de
son ami. Chaque verset décline le thème et, comme le ressac de la mer, la
même vague se forme, légèrement différente à chaque fois: « Vagues de la mer
de Vigo, avez‑vous vu mon ami ? », « Vagues de la mer mauvaise, avez‑vous vu
mon bien‑aimé ? » Une mélancolie langoureuse se dégage de l'ensemble,
surtout dans les cantigas peignant l'attente et la tristesse de la
jeune fille (Ondas do mar de Vigo). Le ton se fait plus enjoué à
l'évocation du retour de l'aimé (Mandad’ei cornigo), voire dansant
(Eno sagrado, en Vigo). Réalisé le plus souvent à la vièle à archet,
l’accompagnement n'est pas seulement un soutien à la monodie, mais partie
prenante de l'atmosphère de la cantiga. L’usage de pizzicatos,
qui rapprochent la sonorité de la vièle de celle d’une harpe et génèrent une
ambiance feutrée (Ai Deus, se sab’ora meu amigo), enrichit encore la
palette. La chanteuse a pris soin de ne pas trop souligner la forme
strophique des cantigas, sa ligne est comme alimentée de l'intérieur:
légère, elle garde pourtant une tension qui ne se relâche qu'à la fin de
chaque pièce. A la vièle, s'ajoutent de nombreuses flûtes jouées par Pierre
Hamon, notamment la flûte de pan médiévale, le frestel, encore
présente aujourd'hui en Galice et dans le nord du Portugal. Les plages
instrumentales (préludes, « reflections », interludes), ponctuent le chemin
comme autant de miroirs sans paroles.
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