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Outil de traduction ~ (Très approximatif) |
Analyste: Denis Morrier Comme j'aurais aimé porter aux nues un album au programme admirable! Pour évoquer la naissance de l'opéra, Nicolas Achten a imaginé un pasticcio et cousu des extraits des six opéras fondateurs inspirés par le mythe orphique: les deux Euridice de Caccini et de Peri (1600), le chef‑d’oeuvre de Monteverdi (1607), La morte d’Orféo de Landi (1619), l'Orfeo de Rossi (1647) et celui de Sartorio (1672). Toute la fable s'y trouve: les noces, la mort d'Eurydice, la descente aux Enfers, la faute d'Orphée et son ultime déploration. Achten incarne le musico accompli, au sens où la Renaissance italienne l'envisageait : un chanteur à la fois virtuose et savant, capable de s'accompagner lui‑même au luth comme à la harpe. Il opte même pour le rare ceterone («cistre basse »), qu'il a fait reconstruire par Carlos Gonzalez d'après un modèle conservé à Paris.
Cette fusion intime des pratiques vocales et instrumentales, renouant avec un idéal célébré par Caccini et Monteverdi dans leurs écrits, distingue un artiste unique en son genre. Toutefois, si l'autorité du « chanteur-accompagnateur » impressionne au concert, elle n'est pas flattée par le disque et l'écoute aveugle. C'est dans les « Funeste piagge » de Caccini que le baryton se révèle le plus convaincant. Ailleurs, le vibrato serré, confine parfois au trémolo et devient trop systématique pour n'être qu'un agrément flatteur. La tessiture paraît trop étroite pour « Muove Orfeo » de Landi. L'expression dramatique est trop retenue dans les extraits montéverdiens : « Rosa del ciel » et « Tu se' morta » manquent de profondeur poétique et d'ardeur.
Il faut un sacré courage pour se frotter à « Possente spirto » : d'autant que Nicolas Achten interprète lui‑même la redoutable ritournelle de harpe, comme l'a peut‑être fait Francesco Rasi en 1607 (le créateur était à la fois chanteur et harpiste). Les passaggi de cette aria phénoménale peinent à se dessiner nettement (en particulier dans la troisième strophe), tandis que l'émotion et l'éloquence demeurent trop contraintes. Je suis resté de glace devant le sublime « Lasciate Averno » de Rossi. On peut aussi être rebuté par l'acidité de timbre et la justesse aléatoire de Déborah York dans l'« Orfeo, tu dormi ? » de Sartorio.
Il émane des pièces instrumentales un ineffable charme poétique. Si les violons pèchent parfois par excès de verdeur (en particulier dans les émouvants Pleurs d'Orphée de Rossi), le somptueux groupe de continuistes réunis autour du chanteur nous comble. Ce projet audacieux impose Nicolas Achten comme un des musiciens les plus singuliers de la scène baroque... et nous donne surtout envie de l'entendre en concert.
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