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 Extrait du livret / From the liner notes



Alia Vox
AVSA9920


English version - click here


 

L’humanité est divisée en deux:

Les maîtres et les esclaves.

Aristote (385-322 av. C), La Politique

Homo homini lupus est.

Plaute (vers 195 av. C), Asinaria

L’homme est un loup pour l’homme.

Thomas Hobbes (1651), De Cive
 

Malgré le fait que durant plus de quatre siècles, entre 1444 (date de la première expédition de capture en masse, décrite dans un texte de l’époque) et 1888 (date de l’abolition de l’esclavage au Brésil), plus de 25 millions d’Africains furent déportés par des puissances européennes afin d’être réduits en esclavage, cette période historique – l’une des plus douloureuses et ignobles de l’histoire de l’humanité – reste encore trop peu connue du grand public. Ces femmes, hommes et enfants déportés brutalement de leurs villages d’Afrique vers les colonies européennes du Nouveau Monde avaient pour tout bagage leur culture d’origine : croyances religieuses, médecine traditionnelle, mode d’alimentation, mais aussi musiques, chants et danses qu’ils pratiquaient dans leurs nouveaux emplacements, connus aussi comme habitations ou plantations. Nous essayerons d’évoquer ces moments honteux de l’histoire de l’humanité avec les textes et témoignages les plus éloquents, accompagnés par l’émotion et l’énergie vitale des musiques qu’ils chantaient et dansaient.
 

Mais comment peut-on penser à chanter et à danser alors qu’on est réduit à l’état d’esclave ? La réponse est simple : le chant et la danse, rythmés par la musique, ont été les seuls espaces d’expression et de liberté que personne ne pouvait leur enlever.  C’était donc les principaux moyens qui leur permettait de se sentir en liberté, pour exprimer en chantant leurs peines et leurs joies, leurs souffrances et leurs espoirs, et pour se rappeler de leurs origines et des êtres qu’ils aimaient.  Pour ces êtres humains dont les origines et les langues étaient très variées, cela permettait aussi de recréer un univers commun et de résister à la négation de leur humanité.
 

Né il y a plus de 5.000 ans, l’esclavage est la plus monstrueuse de toutes les institutions que l’homme ait créées au long de son histoire. En fait, son existence n’est attestée, de manière  objective, qu’à partir du moment où commence l’«histoire»  proprement dite (par opposition à la préhistoire), c’est à dire à partir de l’invention des premiers systèmes d’écriture. Son organisation est étroitement liée à l’invention de l’État au sens moderne du terme, c’est-à-dire un organe de coercition centralisé, s’appuyant sur une armée et une bureaucratie. En effet, l’une et l’autre, -comme l’a si bien souligné Christian Delacampagne dans son Histoire de l’esclavage, (Paris, 2002) « se sont produites il y a cinq mille ans, à l’intérieur de cette zone que les historiens nomment ‘croissant fertile’… Il y a une explication simple à  cette connexion apparemment surprenante entre naissances de l’écriture, de l’esclavage et de l’Etat : toutes trois ont été rendues possibles lorsque les forces productives d’une formation sociale donnée, en un lieu et un moment déterminés, se sont suffisamment développées pour permettre de produire une quantité de nourriture supérieure à la quantité requise pour la subsistance de cette communauté. »
 

On sait que dans la Grèce antique, comme nous l’explique bien Paul Cartledge dans son texte si intéressant,  il existait des milliers de communautés politiques séparées, et que les cités principales basaient leurs relations sociales, politiques et économiques sur le travail des esclaves. « La définition du citoyen par Aristote – celle d’un homme qui participe activement à la marche des affaires publiques et siège comme magistrat – correspond au citoyen démocratique athénien et lui convient parfaitement […] Il semble alors qu’il y ait eu un cercle mutuel renforcé entre esclavage dans les mines et démocratie, un cercle vertueux pour les citoyens libres, un cercle vicieux pour les esclaves exploités et maltraités ».
 

Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, les esclaves noirs étaient une marchandise exotique et rare mais de grande valeur pour leurs propriétaires. Durant plus de deux mille ans, les esclaves furent majoritairement blancs, provenant du nord de l’Europe et des régions se trouvant autour de la Mer Méditerranée. Tout changea lorsqu’un considérable trafic commercial, inauguré par les Couronnes du Portugal et d’Espagne au milieu et à la fin du XVe siècle s’institua entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.
 

Par ailleurs, l’esclavage existait déjà en Afrique avant le commencement des expéditions massives des Portugais et des Espagnols.  Ce sont les besoins de remplacer la main d’œuvre assez peu résistante des indiens natifs et en particulier à partir du moment où il fut accepté  que ces derniers ont une âme et doivent être christianisés, que commence le marché moderne d’esclaves noirs d’Afrique vers le Nouveau Monde. On sait que dans les bateaux de Christophe Colomb il y avait des esclaves noirs, et que dès les premières années après 1500,  le Roi Ferdinand I envoie des instructions pour l’achat et le transfert d’esclaves noirs vers l’Île « l’Espagnole » pour travailler dans les mines d’or. Alonso de Zuazo, juge de résidence dans cette île, nommé par le Cardinal Cisneros, recommande dans une lettre du 22 janvier 1518 : « Dar licencia general que se traigan negros, gente recia para el trabajo, al revés de los indios naturales, tan débiles que solo pueden servir en labores de poca resitencia. » (« Donner licence générale pour que soient amenés des noirs, des gens forts pour le travail, au contraire des indiens natifs, si faibles qu’ils ne peuvent servir qu’à des travaux demandant peu de résistance. »)  C’est d’ailleurs dans cette même île que se produit déjà en 1522 la première révolte d’esclaves noirs dans le Nouveau Monde.
 

Les Français commencent à faire le trafic à partir des années 1530 à l’embouchure des fleuves Sénégal et Gambie. Dès les premières années du XVIIe siècle, avec l’arrivée des Anglais aux Caraïbes,  d’abord aux Bermudes (1609) puis à la Barbade,  les Hollandais sont les premiers à débarquer vingt esclaves africains (le 20 août 1619) dans le port de Jamestown, dans la colonie anglaise de Virginie où se développe la culture du tabac. C’est la première fois que des Noirs sont introduits de la sorte sur le sol des futurs Etats-Unis. C’est aussi le début d’une histoire particulièrement douloureuse : l’histoire de ceux qui se nomment aujourd’hui « Afro-Américains ».
 

C’est paradoxalement durant le « Siècle des Lumières » (1685-1777), que l’on voit l’apogée de la traite des Noirs. Comme Christian Delacampagne, nous nous posons les mêmes questions : « L’ombre et la lumière seraient-elles donc inséparables ? Les progrès de la raison seraient-ils incapables d’entraîner ceux de la justice ? La raison et le mal auraient-ils partie liée ? Telle semble bien être, en tout cas, la leçon de l’histoire européenne. Mais il faudra attendre deux siècles de plus, des dizaines de guerres et quelques tentatives de génocide avant que cette amère leçon ne soit explicitement tirée, au lendemain de 1945, par les philosophes Max Horkheimer et Theodor W. Adorno (Dialectique des Lumières, 1947). »
 

Avec notre Livre/CD/DVD d’ALIA VOX, -présentant les enregistrements audio et vidéo, réalisés en direct, à l’occasion du concert donné au Festival de l’Abbaye de Fontfroide le 19 Juillet 2015-, nous voulons faire connaître les données essentielles de cette terrible histoire ;  à travers la surprenante vitalité et profonde émotion de ces musiques conservées à partir des anciennes traditions des descendants des esclaves. Celles-ci perdurent dans les traces profondes de la mémoire des peuples concernés, originaires des côtes de l’Afrique occidentale, du Brésil (Jongos, Caboclinhos paraibanos, Ciranda, Maracatu et Samba), du Mexique, des îles des Caraïbes, de Colombie et de Bolivie (chants et danses de traditions africaines), avec les musiques des traditions Griottes conservées au Mali.  Ces musiques sont interprétées par des musiciens du Brésil, de Colombie, du Mexique, du Mali, du Maroc et de Madagascar et seront en dialogue avec les formes musicales hispaniques inspirées des chants et danses des esclaves, des indigènes ainsi que par les mélanges raciaux de tout genre qui se sont  basés sur les traditions africaines, métisses ou indiennes. Le témoignage de la collaboration plus ou moins forcée des esclaves dans la liturgie des églises du Nouveau Monde sera représenté par les Villancicos de Negros, Indios, et Negrillas, chants chrétiens de Mateu Flecha l’ancien (La Negrina ), Juan Gutiérrez de Padilla (mss. de Puebla), Juan de Araujo, Roque Jacinto de Chavarria, Juan Garcia de Céspedes, Frai Filipe da Madre de Deus, etc., et  interprété par les chanteurs et les musiciens solistes de La Capella Reial de Catalunya et d’Hespèrion XXI avec des musiciens provenant du Brésil, Venezuela, Argentine, Mexique, Espagne et Catalogne. C’est ainsi que se combinèrent dans une relation, pour la première fois triangulaire, -incluant les trois continents, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine-, les héritages africains et américains avec les emprunts de la renaissance et du baroque venus de l’ancienne Europe, et deviendront des témoignages troublants et néanmoins profondément optimistes d’un patrimoine musical qui reste la part la plus positive d’une culture de conquête et d’évangélisation forcée.
 

Il ne pouvait y avoir de contraste plus extrême que celui qui existe entre l’émouvante beauté et la mystérieuse puissance de ces musiques, et la brutalité des témoignages et des descriptions détaillées par les chroniqueurs ou par les religieux de l’époque, que nous avons sélectionnés (textes récités par Bakary Sangaré), concernant les expéditions de capture des hommes et des femmes dans leurs villages africains. Ainsi, nous en prenons conscience grâce aux: Paul Cartledge, José Antonio Piqueras,  José Antonio Martínez Torres, études, aux découvertes historiques et réflexions sur ce sujet, contenues dans les différents articles si magistralement développés par notre formidable équipe d’experts Gustau Nerin et Sergi Grau (sélection chronologie avec des textes de référence).
 

À travers les musiques des descendants des esclaves, nous voulons en même temps que rendre un émouvant hommage de mémoire sur cette sombre période, appeler chacun de nous au devoir de reconnaissance de l’extrême inhumanité et des terribles souffrances causées à toutes les victimes de cet horrible commerce. Il s’agit d’une entreprise ignoble, perpétrée par la majorité des grandes nations européennes, qui a frappé des millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains systématiquement déportés et brutalement exploités pendant plus de quatre siècles, ce qui a permis la grande richesse de toute l’Europe du XVIIIe et du XIXe siècles. Des nations civilisées, qui jusqu’à aujourd’hui n’ont pas trouvé nécessaire ni de faire une demande de pardon globale, ni même de faire une proposition de compensations (symboliques ou réelles) pour le travail forcé réalisé par ces esclaves considérés comme meubles (de simples « instruments de travail » sans âme). Au contraire, c’est dans le sillage de ces quatre siècles de traite, au fil desquels ils se sont peu à peu installés sur les côtes africaines, que les principaux pays européens en sont venus à « coloniser » l’Afrique – c’est-à-dire à considérer que celle-ci leur appartenait. Comme si, de la fin du Moyen Age à celle du XIXe siècle, l’Europe n’avait cessé de poursuivre un seul et même but : dominer, l’une après l’autre, toutes les terres s’étendant au sud de la Méditerranée.
 

Devant l’extrême gravité de l’afflux d´êtres humains venant d’Afrique (au risque de leurs vies ; plus de 3000 morts du début de 2016 à ce jour) à travers cette mer appelée jadis MARE NOSTRUM et convertie aujourd’hui en une triste MARE MORTIS, je me demande comment il est possible, en plein début du XXIe siècle, qu’aucun des principaux responsables de l’immigration des pays européens ne se souvienne de l’énorme dette morale et économique que nous avons envers ces Africains qui aujourd’hui sont obligés de fuir leurs pays saccagés par la misère ou détruits par les guerres tribales ou territoriales, et souvent abandonnés entre les mains de dictateurs corrompus (soutenus par nos propres gouvernements) ou d’entreprises multinationales insatiables.
 

Durant les années de la fin officielle de l’esclavage (1800-1880,  on voit se répandre en force, surtout dans les pays où ce système avait perduré le plus longtemps, une autre forme aberrante et inhumaine de relation, caractérisée par une haine viscérale envers l’autre, envers l’étranger et surtout envers l’ancien esclave : c’est le racisme. L’esclavage se développe sur un fond de mépris de l’autre, du Noir, du Métis, le l’Indien, tandis que le racisme s’alimente de la haine envers celui qui n’est plus esclave, mais qui est différent. Comme disait Christian Delacampagne ; « L’histoire de l’esclavage précède et prépare celle du racisme. Historiquement l’esclavage est premier. Le racisme n’est que la conséquence de la longue accoutumance d’une civilisation à une institution, l’esclavage, dont les victimes sont, depuis le début des étrangers ».

Nous voulons en même temps, insister sur le fait que dans ce début du IIIe millénaire cette tragédie continue encore pour plus de 30 millions d’êtres humains, desquels une grande partie sont des enfants ou des jeunes filles qui subissent de nouvelles formes d’esclavage dans les domaines de la production et de la prostitution. Dénonçons avec un grand geste d’indignation, que l’humanité, dans son ensemble, ne fait pas réellement ce qu’elle devrait pour mettre un terme à l’esclavage ainsi qu’aux formes d’exploitation qui lui sont apparentées. Quoiqu’absolument interdit dans la grande majorité des pays du monde et quoiqu’étant aussi officiellement condamné par les instances internationales, l’esclavage survit aujourd’hui, y compris au sein des pays industrialisés qui se veulent démocratiques. Comme disait encore Christian Delacampagne ; «Face à l’esclavage, de même que face au racisme, il n’y à pas de compromis possible. Il n’y a pas de tolérance possible. Il n’y a qu’une seule réponse : la tolérance zéro ».
 

Contre ces scandales absolus que sont l’exploitation du travail des enfants et la prostitution de mineurs, contre ces maladies endémiques de la société humaine, qui continuent avec de nouvelles formes d’esclavage et contre la haine de l’autre qui est la force inhumaine du racisme, la lutte n’est pas achevée.
 

Avec les textes et les musiques de notre Livre/CD/DVD, nous voulons ainsi aider à  poursuivre cette lutte. Nous sommes convaincus que le privilège de pouvoir jouir de la connaissance du passé, nous permet d’être plus responsables et en conséquence nous oblige moralement à agir contre ces pratiques inhumaines. Les musiques de ce programme représentent la véritable histoire vivante de ce long passé douloureux, écoutons ces chants de survie et de résistance, pleins d’émotion et d’espoir, ces musiques de la mémoire d’une histoire de souffrance absolue, dans laquelle la musique est devenue une vraie source de survivance, en restant, heureusement pour tous, un refuge éternel de paix, de consolation et d’espoir.


Jordi Savall

Sarajevo/Bellaterra

21/23 octobre 2016



ENGLISH VERSION

 

Humanity is divided into two: masters and slaves.

Aristotle (385-322 B. C), Politics

Homo homini lupus est.

Plautus (c. 195 B. C) Asinaria

Man is a wolf to his fellow man.

Thomas Hobbes (1651), De Cive 
 

Despite the fact that for more than four centuries, from 1444 (the year of the first mass slaving expedition, described in a text from the period) to 1888 (the year slavery was abolished in Brazil), over 25 million Africans were shipped by European countries to be bound in slavery, this period of history – one of the most painful and shameful in the history of mankind – is still largely unknown by the general public. The women, men and children who were brutally deported from their villages in Africa to the European colonies in the New World had only their culture of origin to accompany them on the journey: religious beliefs, traditional medicine, dietary customs, and music – songs and dances that they kept alive in their new destinations, known as habitations or plantations. We shall try to evoke those shameful moments in the history of humanity through a series of eloquent texts and accounts, accompanied by the emotion and vitality of the music to which the slaves sang and danced.

And yet, how could they think of singing and dancing when they were reduced to the condition of slaves? The answer is simple: song and dance, rhythmically structured by music, were the only context in which they could feel free and express themselves – something that nobody could take away from them. Singing was, therefore, their chief means of expressing their sorrows and their joys, their suffering and their hopes, as well as a reminder of their origins and their loved ones. It enabled all those people with their diverse origins and languages to create a common world and withstand the negation of their humanity.
 

First documented 5,000 years ago, slavery is the most monstrous of all the man-made institutions created throughout history. In fact, its existence only began to be objectively documented when “history” (as opposed to prehistory) began; in other words, with the invention of the earliest writing systems. Its organisation is closely linked to the invention of the State in the modern sense of the term, that is, an organ of centralised coercion, supported by an army and a civil service. Indeed, both, – as pointed out by Christian Delacampagne in his Histoire de l’esclavage (Paris, 2002) “came about five thousand years ago, in the region that historians call the ‘fertile crescent’ […] There is a simple explanation for this apparently surprising connection between the emergence of writing, slavery and the State: all three became possible when the forces of production of a given social group, in a given time and place, became sufficiently developed to enable them to produce a greater quantity of food than was required for the survival of the community. “

As Paul Cartledge explains in his interesting text, in Ancient Greece there were a thousand or so separate political entities, and the principal cities based their social, political and economic relations on slave labour. “Aristotle’s definition of a citizen – that of a man who actively participates in public affairs and sits as a magistrate – corresponds to the perfect citizen of a democratic Athens […] Thus it appears that there was a mutually strengthened circle or loop between slavery in the mines and democracy – a virtuous circle for free citizens, but a vicious circle for the exploited and harshly treated slaves.”
 

In Antiquity and the Middle Ages, black slaves were a rare, exotic and very costly merchandise for their owners. For more than two thousand years, the majority of slaves were white, originating in Northern Europe and the regions around the Mediterranean Sea. All this changed when a sizeable commercial trade, instigated by the Crowns of Portugal and Spain from the middle to the late 15th century was established between Europe, Africa and America.
 

Slavery already existed in Africa before the massive Portuguese and Spanish slaving expeditions began. It was the need to replace the feeble workforce of native Indians, especially when it was recognized that Indians had a soul and must be converted to Christianity, that the modern trade in black African slaves to the New World began. We know that there were black slaves on board the ships of Christopher Columbus, and also that in the years immediately after 1500, King Ferdinand I sent instructions for the purchase and transfer of black slaves to the island of Hispaniola, where they were sent to work in the gold mines. Alonso de Zuazo, appointed judge in residence on the island by Cardinal Cisneros, recommended in a letter dated 22nd January 1518: “Dar licencia general que se traigan negros, gente recia para el trabajo, al revés de los indios naturales, tan débiles que solo pueden servir en labores de poca resistencia.” (To issue a general authorisation to import Blacks, who are strong and can withstand hard work, unlike the native Indians, the latter being so weak that they are only useful for tasks that do not require much stamina.) It was on this same island that the first revolt of black slaves took place in the New World in 1522.
 

The French began to trade in black African slaves in the 1530s at the mouths of the Senegal and Gambia Rivers.  From the beginning of the 17th century, the English arrived in the Caribbean, first in the Bermudas (1609) and then in Barbados, while the Dutch were the first to unload twenty African slaves (20th August, 1619) in the port of Jamestown in the English colony of Virginia, which became the centre of the tobacco-growing industry. It was the first time that Blacks had set foot as slaves on the soil of the future United States. It was also the beginning of a particularly painful history: the history of today’s Afro-Americans.
 

Paradoxically, it was during the “Age of Enlightenment” (1685-1777) that the Black slave trade reached its apogee. Like Christian Delacampagne, we ask ourselves the questions: “Are light and shadow truly inseparable? Was the progress of reason incapable of heralding the age of justice? Are reason and evil inextricably linked? Such would appear to be the lessons of European history. But it was to be another two hundred years, dozens of wars and several attempts at genocide later, in the aftermath of 1945, before this bitter lesson was explicitly learned by the philosophers Max Horkheimer and Theodor W. Adorno (Dialektik der Aufklärung, 1947).”
 

In this CD/DVD book from ALIAVOX, featuring the live audio and video recordings of the concert at the Festival of Fontfroide Abbey on 19th July, 2015, we aim to present the essential facts surrounding that terrible history, thanks to the extraordinary vitality and profound emotion of this music, preserved in the ancient traditions of the descendants of slaves. The music lives on, etched into the memory of the peoples concerned, from the coast of West Africa and Brazil (Jongos, Caboclinhos paraibanos, Ciranda, Maracatu and Samba), Mexico, the islands of the Caribbean, Colombia and Bolivia (songs and dances from the African traditions), together with the traditional Griotte music still found in Mali. The music is performed by musicians from Brazil, Colombia, Mexico, Mali, Morocco and Madagascar in dialogue with Hispanic musical forms inspired in the songs and dances of slaves, native Indians and racial mixes of all kinds based on African, Mestizo and Indian traditions. The contribution of the more or less forced collaboration of slaves in the Church liturgy of the New World is represented in this recording by the Villancicos de Negros, Indios, and Negrillas, Christian songs by Mateu Flecha the Elder (La Negrina), Juan Gutiérrez de Padilla (Puebla mss.), Juan de Araujo, Roque Jacinto de Chavarria, Juan Garcia de Céspedes, Fr. Filipe da Madre de Deus, etc., performed by the vocalists and soloists of La Capella Reial de Catalunya and Hespèrion XXI, together with musicians from Brazil, Venezuela, Argentina, Mexico, Spain and Catalonia. For the first time, they come together in a triangular relationship, linking the three continents of Europe, Africa and Latin America, and the heritage of Africa and America with borrowings from the European Renaissance and the Baroque, resulting in a disturbing and at the same time deeply hope-inspiring record of a musical heritage which is the positive reverse side of a culture of conquest and forced conversion.
 

There could be no starker contrast than that which exists between the striking beauty and mysterious power of this music and the brutal accounts and detailed descriptions that our selection of chroniclers and religious of the period (texts recited by Bakary Sangaré) gave concerning the expeditions to capture men and women in their African villages. We are given an insight into those accounts through the studies, historical research and reflections on the subject contained in the excellent articles contributed by our formidable team of experts: Paul Cartledge, José Antonio Piqueras, José Antonio Martínez Torres, Gustau Nerin and Sergi Grau (timeline and selection of source texts).

Through the music of the descendants of slaves, we also wish to pay a moving tribute as we remember that dark period, and appeal to each one of us to recognize the extreme inhumanity and the terrible suffering inflicted on all the victims of that heinous trade. It was an ignoble enterprise perpetrated by the majority of the great European nations against millions of African men, women and children, who for more than four hundred years were systematically deported and brutally exploited to cement the great wealth of 18th and 19th century Europe. Those civilized nations have not yet deemed it necessary to make an unreserved apology, or even to offer any kind of compensations (symbolic or real) for the forced labour carried out by the slaves who were regarded as chattels (nothing more than “tools” without a soul). On the contrary, the four-centuries-long slave trade, during which they became established on the coasts of Africa, paved the way for the principal European countries’ “colonisation” of Africa. In other words, it confirmed them in the belief that the continent was their property. It is as if from the end of the Middle Ages to the end of the 19th century, Europe had relentlessly pursued one common goal: to subjugate, one after the other, all the lands stretching south of the Mediterranean.
 

In view of the extremely serious situation of large numbers of people risking their lives to reach Europe from Africa (so far, more than 3,000 have died since the beginning of 2016) by crossing the sea once known as the MARE NOSTRUM and now a sad MARE MORTIS, why is it that today, in the 21st century, none of the those responsible for immigration in European countries remembers our enormous moral and economic debt to the Africans who are now forced to flee their homelands, currently mired in abject poverty or ravaged by tribal or territorial wars, and frequently abandoned to corrupt dictators (propped up by our own governments) or insatiable multinational companies?
 

The period which saw an official end to slavery (1800-1880) saw the rise – particularly strong in those countries where it had lasted the longest – of another aberrant, inhuman kind of relationship, characterised by a visceral hatred of the other, the foreigner and, above all, of the former slave: racism. Slavery was built on contempt for the other – whether Black, Mestizo, or the native Indian – while racism feeds on hatred of people who are no longer slaves, but different. As Christian Delacampagne writes: “The history of slavery preceded and paved the way for that of racism. Historically, slavery came first. Racism was merely the consequence of a civilisation’s long habituation to the institution of slavery, whose victims have always been foreigners.”

We also want to draw attention to the fact that, at the beginning of the third millennium, this tragedy is still ongoing for more than 30 million human beings, of whom many are children or young girls subjected to new forms of slavery brought about by the demands of production and prostitution. We need to speak out in indignation and say that humanity is not doing what it should to put an end to slavery and other related forms of exploitation. Although absolutely illegal in the vast majority of countries in the world, and despite also being officially condemned by the international authorities, slavery still exists today, even in the supposedly democratic developed countries. Again, as Christian Delacampagne writes, “In the face of slavery, as in the face of racism, there is no possible compromise. There is no possible tolerance. There is only one response: zero tolerance.” Against the absolute outrage of the exploitation of child labour and the prostitution of minors, against these endemic ills in human society, which continue to breed new forms of slavery, and against that hatred of the other, which is the inhuman force of racism, the struggle is not over.

Through the texts and music of our CD/DVD book, we hope to contribute to that struggle. We firmly believe that the advantage of being aware of the past enables us to be more responsible and therefore morally obliges us to take a stand against these inhuman practices. The music in this programme represents the true living history of that long and painful past. Let us listen to the emotion and hope expressed in these songs of survival and resistance, this music of the memory of a long history of unmitigated suffering, in which music became a mainspring of survival and, fortunately for us all, has survived as an eternal refuge of peace, consolation and hope.
 

JORDI SAVALL
 

Sarajevo/Bellaterra

21/23 October, 2016

Translated by Jacqueline Minett

 

 

 
  

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