Je suis très touché de cette initiative prise par Diego Fernândez Magdaleno, de
contacter quelques amis compositeurs ibériques pour qu'ils rendent un hommage
créatif à un travail, à la fois personnel et collectif, de récupération et de
re-valorisation du patrimoine musical hispanique et européen que j'ai eu la
chance d'avoir pu développer durant ces cinquante dernières années. Je suis
aussi très heureux de ce cadeau spécial que me font quelques-uns des principaux
compositeurs ibériques d'aujourd'hui, pami lesquels des amis chers et de
merveilleux musiciens comme Benet Casablancas, Carles Guinovarl ou Josep Soler
ainsi que d'autres compositeurs hispaniques.
Tous ces excellents maîtres du langage musical d'aujourd'hui, se sont inspirés
des quelques-unes des oeuvres musicales anciennes que nous avons contribué à
faire connaître avec Montserat Figueras et nos amis musiciens d'HESPÈRION XX et
de LA CAPELLA REIAL DE CATALUNYA.
C'est de cette manière que nous vous les présentons, tout d'abord les musiques
telles qu'elles sont à l'origine, et ensuite, tel un miroir actuel reflétant dcenouveaux
sons, ces nouvelles compositions pour le piano, qui s'inspirent d'elles, pour
créer une nouvelle dimension musicale et expressive.
L'intérêt des compositeurs modernes et contemporains pour la musique ancienne
n'est pas nouveau : dès sa jeunesse, Felix Mendelssohn s'intéresse à Bach, et à
20 ans, fait découvrir aux Berlinois la Passion selon Saint Mathieu, ou
encore le jeune Anton Webern âgé de 20 ans, I'un des plus grands compositeurs
modernes, qui étudie et admire l'oeuvre de Heinrich Isaak, dont il a préfacé
l'édition du second volume dc son Choralis Constantinus en 1909. Ce sont
des signes révélateurs de l'importance de l'influence des oeuvres anciennes des
compositeurs du XIIIe au XVIIe siècles, sur la musique européenne du XXe et du
XXIe siècle.
On peut aussi voir comme un grand miroir inversé l'évolution de l'intérêt pour
les musiques dans le monde d'aujourd'hui, en contraste avec l'intérêt pour les
musiques nouvelles contemporaines qu'il y a eu jusqu'au moment
de la découverte de la Passion de Bach par Mendelssohn en 1829.
Nous observons que jusqu'au début de ce XIXe siècle, l'on est convaincu que le
progrès dans l'art de la composition musicale existe. À partir de cette idée, du
Moyen-Âge jusqu'à l'époque de Mozart, l'on joue et l'on écoute majoritairement
les musiques des grands compositeurs vivants, ceux qui sont à la mode et ceux
qui ont le plus de succès ou ceux qui bénéficient des postes officiels à la
Cour, à l'église et au théâtre, et au fur et à mesure de l'évolution du goût,
l'on oublie les maîtres anciens considérés comme dépassés.
Tout I'inverse se passe depuis le commencement des années 50 : en ces années-là,
les musiciens qui s'intéressent aux pratiques historiquement informées et à
l'utilisation des instruments d'époque, commencent à faire découvrir et à mettre
en valeur un patrimoine musical qui avait été enseveli sous les couches
successives de la modernité.
Comme nous le rappelle Aldous Huxley : « Nous sommes devant des paradoxes
étonnants : durant les années 1950 l'on est très informé sur I'homme du
Paléolithique et du Néolithique, sur les civilisations sumérienne, hittite et
minoenne, sur I'lnde prébouddhique et l'Amérique précolombienne, et sur les
origines d'activités humaines aussi fondamentales que l'agriculture, la
rnétallurgie ou l'écriture, tandis qu'on ignore tout sur la musique antérieure
au XVIIIe siècle (1680). Pratiquement tout le monde aime la musique ; mais avant
cette première moitié du XXe siècle, pratiquement personne n'a entendu de
musique composée avant 1680. La poésie, la peinture et la sculpture de la
Renaissance ont été étudiées dans les moindres détails, et les travaux de cinq
générations d'érudits ont été mis à la disposition du public dans des centaines
de monographies, d'histoires générales, d'appréciations critiques et de guides.
Mais l'art musical de la Renaissance, qui était tout à fàit l'égal de la poésie,
de la peinture et de la sculpture de la Renaissance, a reçu relativement peu
d'attention de la part des chercheurs et est presque inconnu du public qui va aux concerts.
Donatello et Piero della Francesca, Titien et Michel-Ange, leurs noms sont
familierset, en version originale ou en reproduction. leurs oeuvres
sont connues de tous. Mais combien peu de gens ontentendu, ou même entendu parler, de la musique de Dufay et
Josquin, d'Okeghem et Obrecht, d'Ysaac et Wert etMarenzio, de Dunstable, Byrd et Victoria ! »
Dans notre XXIe siècle, tel qu'un miroir inversé, on peut constater un total
renversement de cette situation , on afinalement découvert qu'il n'y a pas de progrès dans l'art ;
chaque époque, chaque culture. chaque civilisationproduit, durant les différents moments de son histoire, des
formes d'art qui restent uniques, parce qu'elles sontl'expression la plus belle et la plus authentique de l'ârne
humaine dans toute sa diversité.
JORDI SA\ALL
Salzbourg, I 8 janvier 2024
Sélectionnez votre
pays et votre devise en accédant au site de
Presto Classical Livraison mondiale
Choose your country
and currency
when reaching
Presto Classical Worldwide delivery
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
Click either button for many other reviews