Texte paru dans: / Appeared in:
*  

Opéra Magazine # 104 (03/2015)
Pour s'abonner / Subscription information


Harmonia Mundi
HMC902200/01




Code-barres / Barcode : 3149020220023 (ID509)

Appréciation d'ensemble:
Analyste: Michel Parouty
 

En juin 2012, René Jacobs remporte un beau succès en dirigeant en concert, à la Cité de la Musique, cette Rappresentazione di Anima e di Corpo …. Quelques semaines auparavant au Staatsoper de Berlin, il était le maître d'oeuvre musical de ce même ouvrage, donné dans une mise en scène d'Achim Freyer ‑ production reprise au printemps 2014, en parallèle à l'enregistrement de studio qui nous parvient aujourd'hui. On ne peut que se réjouir de cette parution, même si l'on regrette de ne pas disposer d'une vidéo du spectacle. Pourquoi se réjouir? Parce qu'on retrouve chez le chef et musicologue le même enthousiasme, la même ardeur, la même envie de convaincre qui, au concert, étaient irrésistibles. Et ils sont, ici, indispensables; car rien ne pourrait être plus monotone que cette suite de strophes aux vers réguliers (mais dont le nombre de pieds varie), cette alternance de monodies, de petit ensembles, de choeurs.
D'autant que ces formes relativement simples sont au service d'un message – permettre à l’Âme et au Corps de faire le bon choix entre le Bien et le Mal – dont le manichéisme pourrait vite lasser. S’il n’en est rien, c’est grâce à Jacobs dont le sens du théâtre enflamme chaque note, chaque mesure ‑ certains partis pris (des répétitions de phrases en écho, des «effets spéciaux» ) ne seront pas du goût de tout le monde, mais tant pis pour les amateurs d'interprétations anémiées. Pour renforcer la structure de ces trois actes, le chef n'a pas hésité à emprunter une page de Johann Hermann Schein en guise de sinfonia introductive, d'utiliser de courts morceaux d'Alfonso Ferrabosco pour en faire des interludes (particulièrement efficaces dans l'évocation des Enfers). La volonté de spatialisation, si efficace à la scène, produit ici aussi des effets spectaculaires, dans l'opposition des sonorités «terriennes» et «célestes». Sélectionné avec pertinence, l'effectif orchestral, autant pour les instruments de continuo que pour ceux dits «d'ornementation», est d'une exceptionnelle richesse, source de couleurs et de timbres aussi divers qu'enchanteurs, qui illuminent les mots et rehaussent l'éclat des voix.
L’équipe de chanteurs est quasiment identique à celle entendue à Paris, à l'exception de Christina Roterberg, remplaçant NarineYeghiyan sans démériter. Le duo formé par Marie‑Claude Chappuis et Johannes Weisser captive dès l'échange du premier acte («Anima mia, che pensi»), exemple éloquent de recitar cantando mené avec maestria. De l'eau a coulé sous les ponts entre la version gravée en 1970 pour Archiv Produktion par Charles Mackerras, aussi remarquable par l'usage d'instruments anciens, rare pour l'époque, que pour une distribution réunissant un nombre incroyable de grands noms (Hermann Prey,TatianaTroyanos, Edda Moser,Theo Adam, Paul Esswood!) et la dernière en date, sauf erreur, due à l'exubérante Christina Pluhar (Alpha). Avec l'originalité qui lui est propre, René Jacobs occupe désormais la première place dans la discographie d'une oeuvre captivante et inclassable, qui porte en eIIe les germes de deux genres lyriques essentiels, l'opéra et l'oratorio.

 

Fermer la fenêtre/Close window

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews