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Michel Parouty Le chemin emprunté par Les Surprises de l’Amour pour arriver à une version supposée définitive ne fut pas de tout repos. Cet « opéra-ballet », dont Pierre Joseph Bernard écrivit le livret, commandé par Mme de Pompadour pour fêter la paix d’Aix-la-Chapelle à celui qui, depuis trois ans, occupait la charge de «compositeur du roi », apparut d’abord en 1748, à Versailles, sur la scène du Théâtre des Petits Appartements de la marquise. Un Prologue, Le Retour d’Astrée, était suivi de deux «entrées» : La Lyre enchantée et Adonis. En 1757, l’Académie Royale de Musique proposa une nouvelle mouture : le Prologue avait disparu, Adonis avait été rebaptisé L’Enlèvement d’Adonis, La Lyre enchantée avait été remaniée, la soirée étant complétée par une nouvelle «entrée» : Anacréon (rien à voir avec l’Anacréon sur un texte de Cahusac, donné à Fontainebleau, en 1754). En 1758, enfin, fut joué à Paris, selon la forme sous laquelle le présente, en première mondiale, l’enregistrement gravé par Sébastien d’Hérin, un ouvrage qui allait bientôt tomber dans l’oubli, à l’exception de l’«entrée» d’Anacréon, enregistrée par Marc Minkowski,en 1995 (Archiv. Produktion). La loi du genre le veut ainsi : ne cherchons pas, dans cet «opéra- ballet», une quelconque volonté dramatique. La trame de l’intrigue, glorifiant l’amour est d’une minceur quasi provocatrice, et les récitatifs, censés d’ordinaire faire progresser l’action, sont réduits à leur strict minimum. Les danses, en revanche, sont nombreuses et irrésistibles, et le talent de Rameau se déploie à merveille dans cette fête de rythmes et de couleurs : gavottes, sarabandes, passe-pieds, menuets, tambourins, chaconnes, gigues... Le génie du musicien n’a pas besoin de grandes formes pour éclater ; le « sommeil» d’Anacréon et l’«orage» qui suit en disent plus long, en moins de deux minutes, que bien des discours sur l’art orchestra de Rameau. La même variété règne dans les airs : grâce d’Adonis, fureur de Diane, virtuosité aérienne de la sirène Parthénope, truculence d’Anacréon... Cette diversité, Sébastien d’Hérin l’exploite au mieux. Ses Nouveaux Caractères ont de l’énergie à revendre, de l’élégance, du raffinement ; sa direction est souple, la musique respire et s’épanouit, le chant n’a aucun mal à prendre son envol. Autour de lui, une distribution stylée, entièrement française à l’exception du Suédois Anders Dahlin. Le trio de sopranos (Amel Brahim-Djelloul, Virginie Pochon, Caroline Mutel) possède autant de charme que de finesse musicale. Dahlin défend crânement l’honneur des ténors; quant à Pierre-Yves Pruvot, il démontre, une fois encore, son autorité et sa sûreté. Si Karine Deshayes et Jean- Sébastien Bou se démarquent du lot, c’est qu’en dehors de leurs habituelles qualités, inestimables, ils sont les seuls à hériter de personnages chez lesquels on perçoit une réelle dimension théâtrale. Diane, et surtout Anacréon, dans lequel Bou est épatant, échappent au décoratif, dans les limites de l’oeuvre. Si l’on peut adresser un reproche à cette brochette d’interprètes de haut vol, c’est de négocier les ornements d’une manière systématique, qui enlève son naturel au discours, et frôle la monotonie. On n’en applaudit pas moins cette résurrection qui fait honneur à Rameau. |
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