Texte paru dans: / Appeared in:
*  

Opéra Magazine # 99 (10/2014)
Pour s'abonner / Subscription information


Glossa
GCD921629




Code-barres / Barcode : 8424562016293

Consultez toutes les évaluations recensées pour ce cd ~~~~ Reach all the evaluations located for this CD

Appréciation d'ensemble:

Analyste:  Michel Parouty

Dans son ouvrage sur Rameau, paru à Londres en 1957, Cuthbert Girdlestone classe Les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour parmi les oeuvres mineures du Dijonnais: mais qu'entend‑il par « mineures » ? «Je les appelle ainsi, les unes parce qu'elles sont courtes, les autres parce qu'elles sont d'un intérêt artistique moindre, d'autres encore pour ces deux raisons à la fois.» Suit une analyse prestement expédiée, qui souligne quand même, mais sans trop s'y attarder, le passage spectaculaire du débordement du Nil, clou de la deuxième Entrée, «Canope».
Le Rameau de A à Z que dirigea Philippe Beaussant pour Fayard, en 1983, avec la collaboration de Marie‑France Béziers pour l'article cité, est plus indulgent, sans pour autant se montrer enthousiaste.
Dans son récent Jean‑Philiippe
 Rameau, que vient d'éditer Fayard (voir notre rubrique « Livres» dans ce numéro), Sylvie Bouissou,  spécialiste en la matière, remet les pendules à l'heure, soulignant ce que l'oeuvre apporte de nouveau, réhabilitant, par la même occasion, le travail du librettiste, Louis de Cahusac.
Peut‑on dire sans impertinence que ces Fêtes de l’Hymen et de l'Amour sont un recyclage ? À l'origine, ce devait être un ballet, Les Dieux d’Égypte, en trois parties: « Osiris», « Canope», «Aruéris». Les événements historiques en décidèrent autrement Le 15 mars 1747, dans la salle du Manège de Versailles, les Fêtes virent le jour sous la forme d'un «opéra‑ballet» (l’intitulé du livret est «ballet héroïque») en un Prologue et trois Entrées,
 à l'occasion des divertissements donnés en l'honneur des noces du Dauphin, fils de Louis XV, et de Marie‑Josèphe de Saxe. Le Prologue ajouté est, bien entendu, une page de circonstance : l’Amour, qui avait déclaré la guerre à l'Hymen, se heurte à un ennemi qui ne veut que son bonheur, et les deux s'unissent dans l'allégresse générale.
Quoi qu'on en dise, dans cette Egypte de fantaisie chère à Cahusac, certains personnages sont caractérisés avec pertinence (Mirrine, l'ardente Amazone, Canope, dieu égyptien des Eaux, Aruéris, dieu des Arts), et si les situations dramatiques sont sommaires, elles n'en sont pas moins efficaces. D'autant qu'elle servent à amener les divertissements chorégraphiques,             parfaitement intégrés dans une narration qui ne souffre d'aucune rupture et que facilite la brièveté de chaque mouvement .
Une orchestration chatoyante (remarquez le rôle des flûtes et des hautbois), des choeurs dotés d'une forte présence, des airs toujours gracieux, certains faisant appel à une virtuosité quasi italienne (« Volez Plaisirs », chanté par l'Amour dans le Prologue), d'autres infiniment tendres,  davantage dans le goût français (« Veille, Amour» de Memphis, dans « Canope »). On attend le passage du débordement, du Nil, avec son double choeur et ses solistes : il est impressionnant. Rameau se paie aussi le luxe d'un sextuor, quelques minutes avant la fin de la troisième Entrée ! C’est à l'Opéra Royal de Versailles qu'a été capté le présent concert les 13 et 14 février 2014. La direction très carrée d'Hervé Niquet va bon train et impose à l'ensemble une allure martiale; les danses sont enlevées avec brio, le récit est rondement mené, mais avec suffisamment de fluidité pour garder son unité. On ne risque, ici, ni mièvrerie, ni préciosité, les couleurs orchestrales du Concert Spirituel sont vives. Et le même élan se retrouve chez les choristes. Ce Rameau est plus conquérant que poétique, mais sa franchise aura ses partisans. La distribution en est honnête, même si le quatuor féminin semble parfois un peu court: Jennifer Borghi a‑t‑elle vraiment le grave que requiert le «bas-dessus» de Minine ? En Plaisir, en Aruéris, Mathias Vidal est toujours un styliste expert, dont on aime le sens de la phrase et du mot, mais, en se développant, sa voix commence à plafonner légèrement dans l'aigu. Reinoud Van Mechelen est un charmant Osiris, et Tassis Christoyannis un Canope au chant élégant.
En première mondiale, un apport de choix à une discographie ramiste qui en a bien besoin.
 

Fermer la fenêtre/Close window

 

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews