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Analyste:
Rémy Stricker Comme le rappelait récemment Richard Martet (voir O. M. n° 90 p. 73 de décembre 2013), les opéras de Johann Adolf Hasse ( 1699- 1783) sont encore trop méconnus et leur découverte réservera bien d’heureuses surprises. Il en va ainsi de sa première oeuvre lyrique, composée en 1725 à Naples ; il avait 26 ans. Marc’Antonio e Cleopatra n’est cependant pas un «opera seria » proprement dit, mais un genre dérivé, la « serenata », de dimensions plus restreintes. Le cadre intime dans lequel elle était représentée comportait moins de rôles (ici deux seulement), de décors et d’action. Un exemple nous reste qui est sans doute un peu plus familier : II sogno di Scipione du très jeune Mozart. La «serenata» de Hasse se concentre donc sur Marc-Antoine et Cléopâtre, après leur défaite par Octave à la bataille d’Actium. C’est un long dialogue où ils se renouvellent l’assurance de leur amour et leur espoir de se maintenir au pouvoir en Asie et en Afrique, faute de quoi ils envisagent une mort commune. La succession de récitatifs, accompagnés ou non, et d’arie reflète essentiellement ces émotions changeantes, sans vraie action dramatique. Mais ce que cela laisserait supposer d’un certain statisme est continuellement démenti par la variété des types d’airs ou duos et le mélange parfois très original, dans certains numéros, de récitatif et d’aria. Le beau sens mélodique de Hasse — influencé évidemment par le style napolitain — et ses surprenantes inventions rythmiques et harmoniques, achèvent de bannir toute monotonie. Les interprètes jouent remarquablement le jeu de cette diversité, déjà par la réalisation très colorée du continuo et par l’imagination des solistes dans l’ornementation des da capos. Mais si l’attention demeure sans cesse en éveil, c’est par la qualité de l’ensemble instrumental, Le Musiche Nove, et la gestion dramatique du chef, Claudio Osele, dans les enchaînements, même jusque dans les silences! Décor sonore idéa pour la personnalité hors de pair des deux chanteuses : timbres superbes, virtuosité étincelante et engagement passionné (sans les excès de pathos de certains spécialistes actuels). Cela ne surprendra pas de la part de Vivica Genaux, justement admirée et renommée, mais met en pleine lumière Francesca Lombardi Mazzulli, laquelle a néanmoins déjà fait ses preuves, sans jouir de la même célébrité. Son incarnation de la reine d’Égypte, oscillant entre l’ambition et la passion sensuelle, est un miracle d’ambiguïté et de séduction. Premières armes éclatantes d’un maître en dramaturgie lyrique et genre assez loin de nos habitudes actuelles d’écoute, tout cela est illustré et transcendé dans un enregistrement éblouissant. Le texte de présentation de l’excellent Claudio Osele (seulement en anglais et allemand), à la fois pertinent et passionnant, donne le juste prélude à l’audition d’un petit chef-d’oeuvre.
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