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Analyste: Gaëtan Naulleau On peut être embarrassé par la couverture kitsch où la diva emperruquée initie un Casanova en tenue d’Adam, par ses pauses outrancières à la scène et ses lourds froufrous flashy, ces hanches, ces coudes et ces épaules qui marquent la mesure avec la gouaille d’une meneuse de revue, ces mimiques à la hou-fais-moi peur qui accompagnent les sauts de registres... On peut être tenté de brûler tout ça sur l’autel du « bon goût ». Pourtant, les yeux fermés, la présence et l’aisance du chant captivent. Excessif ? Mais pour Simone Kermes (nom prédestiné), l’excès est une nature. C’est l’énergie intime qui résout un écart : entre un timbre caressant, vaporeux, et l’instinct frondeur d’une amazone avide de festins héroïques (sans pitié pour les pauvres cors qui traînent à ses côtés dans le « Se dopo ria procella » de Porpora). Le programme - collier d’airs créés par Farinelli, Porporino ou Caffarelli, presque tous inédits - flatte la soprano aIlemande sur les deux tableaux. Le « Per trionfar pugnando » de Giuseppe De Majo (Arianna e Teseo, 1747 pour Caffarelli) ouvre l’album sur un festival de doubles-croches guerrières et d’oppositions de registres (du la grave au contre-ré), sans effort ni sourcil froncé. L’antithèse, en quelque sorte, du perfectionnisme nerveux de Bartoli dans « Sacrificium », autre évocation des castrats. A l’Italienne la précision sidérante, à l’Allemande la spontanéité euphorique. Et le rubato, qui lui permet de laisser flotter librement les lignes suaves d’« Alto Giove » (Porpora) au-dessus des doubles-croches de l’orchestre, en osant de longs retards lascifs dans le da capo, en brouillant encore la mécanique des pulsations sous le flux et le reflux des messe di voce. Inouï ou insupportable : affaire de goût, toujours. Le nôtre chavire. Tout l’album navigue entre ces pôles: pâmoisons cantabile, et bravoure plus (« Sul mio cor », Pergolèse) ou moins (« Empi, se mai disciolgo », Porpora) détaillée. Le plus étonnant ? Le tendre « Consola il genitore » où Hasse accompagne avec le seul clavecin des ribambelles divines effleurant le contre-ut. Le plus vulgaire ? Le ralentendo-accelerando façon Kalinka du « Son qual nave » de Leo (à 3’ 47”). Et partout ce vilain petit orchestre, brouillon sans états d’âme, rarement d’aplomb, juste par hasard, redoutable à l’approche du forte. Quelles beautés pourtant on aurait pu soigner dans la vaste sicilienne d’Ifigenia in Aulide (Porpora) somptueusement instrumentée pour Farinelli (Londres 1735 : succès fatal à Handel). Reste la question du narcissisme vocal: vice en partie « authentique », à en croire les témoins sidérés des castrats perdus. |
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