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Diapason # 609( 01/2013)
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Naïve
OP30536



Code-barres / Barcode: 0709861305360 (ID290)

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Appréciation d'ensemble:  
Analyste:  Gaëtan Naulleau
 

Peut-on conseiller un enregistrement d’opéra pour une seule incarnation ? Alors ce Giulio Cesare s’impose, non pour le dictateur amoureux ou sa belle Egyptienne, mais pour la veuve de Pompée, pour Cornelia. Le livret veut que son port de patricienne jamais affaissé sous la douleur attire tous les mâles - les autochtones Tolomeo et Achilla comme le Romain Curio perdent leurs moyens au premier regard. Et c’est bien cette sensualité austère mais prenante qui rend Romina Basso unique. On en oublierait presque la tendresse de Bernarda Fink (avec Jacobs, HM) et la stature de Maureen Forrester (diamant noir de l’intégrale Rudel, avec Sills, RCA). Cornelia lui va comme un gant, et pourtant Basso enregistrait l’opéra, il y a trois ans, sous les traits de l’infect Tolomeo (avec Petrou, MDG) ! Elle s’en tirait haut la main, avec une autorité du mot, une fermeté de la vocalise et surtout une sombre densité du timbre qui faisaient plus d’une fois penser à Mingardo. Sa Cornelia nous l’évoque toujours, à ce détail près qu elle a sur son aînée l’avantage d’une souffle long, qui nourrit un « Priva son » magistral de cantabile suspendu aux paroles, un « Deh piangete » renversant.

On nous pardonnera de nous attarder sur un personnage « secondaire ». C’est qu’aucun des autres ne l’égale. On est, bien entendu, sous le charme du timbre et de la ligne glorieux de Karina Gauvin; mais les grandes Cléopâtre ont composé avec beaucoup plus de soin l’évolution du personnage, les piques au frérot pervers, les numéros de charmes, le pathos de « Se pietà », l’abandon de « Piangerò », le feu d’artifice de « Da tempeste » (curieusement terne ici). Marie-Nicole Lemieux lui répond avec la tessiture de César, mais sans son agilité. Ce n’est pas son héros sans charisme (« Presti ornai ») ni malice (« Va tacito » prosaïque), trop agité (« Se in fiorito » en trompe l’oreille mais avec un magnifique violon solo) qui sauvera la mise. Ni ce « Quel torrente » grand-guignol. Une excellente musicienne se trompe de rôle, peut-être même de répertoire.

Alan Curtis, handélien érudit comme aucun autre, a pris le risque de distribuer en Sesto une jeune soprano. La Durastanti, en 1726, n’avait sans doute rien à voir avec les mezzos virils qu’on y entend aujourd’hui. Certes. Mais faut-il tomber dans l’excès inverse, priver le personnage de ses ombres et changer le noble « Cara speme » en propos galant ? Un soprano aguerri apporterait sans doute plus de poids à l’expérience que la prudente Emoke Barath, Sesto inexistant mais chant divin.

Le reste ? Un Achilla impeccable - mais guerrier ? Un Tolomeo sans venin qui s’agite dans les vocalises. On gardera pourtant ce Giulio Cesare bancal à portée de main. Pour la grandeur de la signora Basso, mais aussi pour les idées d’articulations, de caractères, de tempos qu’y met Alan Curtis - espérons que ses successeurs retiendront la leçon d’un « Belle dee » enfin allant. Il ne mène certes pas le drame avec la poigne d’un Jacobs (HM) ou d’un Minkowski (Archiv), il laisse au contraire aux chanteurs le soin de tenir le gouvernail, option « historique- ment informée ». Reste à trouver lesdits chanteurs...     
 

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