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Analyste: David Fiala Philippe Herreweghe enregistre depuis 2010 à son propre compte, grâce à quoi il entend « jouir ne liberté complète dans la constitu ion d’un catalogue varié ». Dès la cinquième parution de ce nouveau label, après Mahler, Brahms et Bach, il revient à l’art vocal de la Renaissance, terre nourricière de son choeur gantois. Le choix de Victoria n’est pas sans étonner. Alors qu’on désigne volontiers Lassus (plusieurs fois magnifié au disque par Herreweghe) comme le père de la lignée qui conduira à Bach via Schütz, le maître espagnol brille avant tout par sa tension et sa puissance expressives, reléguant au second plan les arcanes de l’entrelac polyphonique. De son contrepoint relativement simple, où la densité changeante des textures et des registres a plus d’impact que le dessin des lignes, sourd presque à chaque instant une indicible violence, qui rappelle que, pour plaire à un commanditaire espagnol, Michel-Ange conseillait de ne pas lésiner sur « le sang et les clous». Les voix souples et déliées du Collegium de Gand sont presque trop veloutées pour ce monument de déploration, tout en longues lignes tendues, qu’est le Requiem de 1605. Si l’inoubliable leçon de déclamation chorale qu’est le Taedet animam meam bénéficie pleinement de cette aisance, l’ensemble du programme dégage plus de douceur et de velours que d’urgence et de douloureuse gravité. Parler de contresens serait injuste, tant il y de beautés dans ce disque. Par ailleurs, on ne peut nier qu’en refusant toute surenchère dans le cliché du dolorisme espagnol, cette relecture apaisée renouvelle une discographie déjà riche. Mais on ne peut s’empêcher de penser que ce qu’on gagne en plaisir du beau son n’équivaut pas tout à fait ce qu’on perd en sel (celui qu’on jette sur les plaies, bien sûr). |
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