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Diapason # 611 (03/2013)
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Harmonia Mundi
HMC902143



 Code-barres / Barcode : 3149020214329 (ID285)

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Appréciation d'ensemble: 5 de Diapason
Analyste:  Philippe Ramin
 

On trouve l’équivalent des « vanités » picturales dans un courant musical franco-allemand du XVIIe siècle : disposant des éléments destinés à cultiver chez l’auditeur un sentiment d’insécurité, le compositeur insuffle une grande liberté aux formes en usage et se livre à une réflexion parfois douloureuse. Les lamentos, préludes, toccatas deviennent le théâtre d’affects tourmentés, tandis que certains ostinatos (passacailles) creusent les rives d’une mélancolie presque romantique. Froberger est le représentant le plus remarquable de cette musique aux textures toujours changeantes, aux humeurs complexes suggérées par certains titres ou parfois « cristallisées » par un programme noté en marge des partitions.

Or retrouve avec plaisir Andreas Staier, qui s’était jusqu’ici rarement aventuré au disque dans le XVIIe siècle... et nous gratifiait, à l’inverse, il y a quelques mois d’une gravure magistrale des Variations Diabelli (Diapason d’or, cf n° 603). L’instrument anonyme du XVIIe siècle ravalé dans l’atelier lyonnais de Joseph Collesse en 1748, et restauré de fond en comble par Laurent Soumagnac, a déjà connu les honneurs du disque, notamment dans l’album Couperin de Pierre Hantaï. La prise de son lui donne ici un grain plus sombre, et les doigts du musicien le font sonner avec une constante plénitude. Sa relecture du répertoire français étonne à la première écoute, tant nous sommes nourris aux similitudes de style que partagent la plupart des clavecinistes modernes. Staier révèle une subtilité remarquable, un art du détail et de la respiration qui illumine autant les tombeaux de Couperin  et d’Anglebert que la Suite en do mineur de Clérambault. Le sens de l’architecture est souverain dans les pièces déclamatoires, et le timbre très particulier de l’instrument s’accorde à merveille avec les confidences graves des pages lentes. Chez Fischer et Muffat, Staier affiche une virtuosité quelque peu ostentatoire : mais dans ses tempos vifs, la construction demeure admirablement puissante et réfléchie.

On se réjouit qu’Andreas Staier ait eu l’envie de s’aventurer dans un répertoire où on ne l’attendait pas, et sur lequel il porte un regard très personnel.

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