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Analyste:
Gaëtan Naulleau On ne s’étonne plus du jeu limpide d’Alison Balsom, fêté à chaque parution par des superlatifs. La trompettiste traversait en ballerine les concertos de MacMillan, Haydn ou Hummel, s’aventurait dans les Folksongs de Berio, empruntait à la Reine de la nuit ses vocalistes (récital « Caprice »)... et aux flûtistes l’arabesque de Syrinx. Son goût des transcriptions nous valait il y a quelques années un album tout Bach (« Concertos, Arias and Dances », Emi 2010). Le principe est le même dans ce panaché Handel-Purcell, mais diapason et instrument ont changé : au-dessus du nom de l’English Concert, le livret nous promet des « natural trumpets ». Not that natural... Vue de loin, la longue chose ressemble à celles du XVIII siècle, mais avec une embouchure, une perce, quatre petits trous qui renvoient sans complexe à la facture et au confort modernes. Bien sûr, miss Balsom n’est pas seule à profiter d’un compromis qui rassure une bonne partie des trompettistes employés dans les ensembles plus ou moins « spécialisés ». Le problème, c’est quelle en joue bien mieux qu’eux : si aisément, si... naturellement que la part « ancienne » de l’hybride s’efface derrière un amorti des attaques, un legato, une homogénéité du timbre qui, même s ils étaient a la portée de l’instrument naturel, s’y trouveraient « contre-productifs ». Car, à l’inverse de ce beau jeu impeccable et lissé, les vrais maîtres de la trompette baroque nous ont fait aimer au fil des ans et de leur perfectionnement le mélange d’âpreté et de brillant, les accents sauvages qui mènent les ouvertures pompeuses, l’art de doser la plénitude de certaines notes et l’instabilité de leurs voisines. Bref, l’éloquente richesse de l’inégalité. Cela posé, prenons le disque pour ce qu’il est : Balsom invente un instrument. La virtuose lassée des éclats trop faciles trouve par ce chemin de traverse une sorte de flauto da caccia propice à la tendresse. Symboliquement, elle écarte le « The trumpet shall sound » attendu (Messiah) mais s’invite... dans la longue plainte de Fairy Queen. Aux mots affligés de Lucy Crowe, elle répond par un legato placide, et enchaîne souvent des phrases entre lesquelles tous les violonistes glissent une respiration. Le monde à l’envers ! Et que ce brio est sage dans les galipettes et les notes divinement filées du « Sento la gioia » d’Amadigi, ou le duo «Sound the trumpet», propice à la fantaisie mais ici obstinément décoratif. Le plus frustrant ? Le début de l’Ode pour l’anniversaire de la reine Anne. Sans un minimum de majesté et d’emphase, l’apparition surnaturelle de la trompette tombe à plat. Album curieux où une virtuose phénoménale semble s’excuser de tenir une trompette entre les mains, et prototype d’un baroque pasteurisé, applaudi dans toutes les grandes salles européennes lors d’une tournée triomphale. |
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