Analyste: Sophie Roughol
La perfection jubilatoire du contenu fait vite oublier une
photo de couverture.., rasante. Voici donc (cf. l’Interview du n° 605)
Bartoli militant pour un compositeur que l’on connaissait surtout pour ses
duetti chambristes (un album admirable réédité chez Pan Classics) ou
le magistral Stabat Mater (choisir entre Leonhardt, DHM, et les Sixteen,
Coro). La « Mission » est accomplie au-delà de toute espérance :
révéler un auteur lyrique d’envergure, que le disque n’avait documenté que
récemment, et modestement - son Alarico en 2009 chez Concerto
Records, Orlando generoso la même année chez MDG. C’est peu dire que
la musique de Steffani prend une autre dimension avec Bartoli, par le relief
que la mezzo imprime à chaque mot, par les tableaux dramatiques qu’elle
caractérise tout au long de ce vif patchwork (de vingt-cinq plages assez
brèves). Le programme est taillé sur mesure pour sa voix, mais en toute
justice envers le talent polymorphe de Steffani, entre airs solistes et duos
complices avec Philippe Jaroussky. Réfutant la dictature du da capo,
contrapuntiste aguerri aimant l’instrument obligato ou les basses en
chaconne, Steffani condense ses arias dans un style très personnel tout
d’élégance mélodique, de diversité instrumentale, d’évocations du goût
français. Et Bartoli ? La tentation de la surenchère frôlée avec les
acrobaties de « Sacrificium « semble oubliée, la maîtrise technique
et stylistique sidère. Ecoutez la vigueur nette de l’aria avec trompettes et
choeur « Suoni, tuoni, il suolo scuota » ; la noblesse hypnotique de
la reine Niobe ; l’esprit pointu de « Più non v’ascondo » ; le
souffle imperturbable de « Notte arnica al cieco Dio » (La Libertà
contenta); l’épure ardente, pour luth et voix, d’« Amami ». Une
musicalité intelligente et solaire, en parfaite entente avec un Diego
Fasolis survolté. Les extraits de Niobe regina di Tebe ou de
Tassilone font rêver d’intégrales... Attendons pour Tassilone ;
pour Niobe, on trouvera sur Internet le live du Boston Early Music
Festival, édition 2008, avec rien moins que Philippe Jaroussky en Anfione (http://www.wgbh.org/articles/Boston-Early-Music-Festival-Niobe-Regina-di-Tebe-7099).
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