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Analyste: Depuis l’avènement du disque, les compositeurs accèdent à une nouvelle vie à compter du premier enregistrement majeur qui leur est consacré. L’acte de (re)naissance de Jean Mouton que voici est d’importance car, de tous les brillants représentants de la génération Josquin, la discrétion de celui-là, que nombre de musicologues désignent comme le meilleur contrapuntiste de son temps, devenait préoccupante. Ce récital confirme d’abord qu’en matière d’écriture et d’inspiration, le lyrisme mélodique, la maîtrise rhétorique et la science contrapuntique de Mouton le situent sans conteste au-dessus de ses collègues immédiats de la chapelle royale de France dans les années 1500 (Févin, Prions ou Divitis, déjà servis au disque), et peut-être même de ses plus fameux contemporains (Obrecht, La Rue, Agricola ou Isaac), bref, juste à côté de Josquin, « prince des musiciens ». Certes, le talent du maître éblouissait à chaque gravure du fameux Nesciens Mater en quadruple canon à huit voix ( jusqu’au monumental record de lenteur extatique par Gardiner, « Pilgrimage To Santiago », 2004) et de quelques autres motets de la centaine qu’on lui connaît, comme le grand Ave Maria à cinq voix (« O gente brunette » d’Odhecaton, Ramée, 2009); certes, l’Ensemble Jacques Moderne lui avait consacré un récital (Ligia, 2003, à voix et violes), suivi tout récemment par celui du Brabant Ensemble (cf.____). Malgré tout, cette anthologie des Tallis Scholars aussi en forme qu’inspirés fait accéder Mouton à une nouvelle dimension. Le programme permet d’entendre enfin une des quinze messes du compositeur, dont l’ample et sereine plénitude a pu évoquer à Peter Phillips une belle analogie entre Mouton et Bellini (cf. notre Interview ___). Les motets qui la complètent sont tous des chefs:d’œuvre, déjà gravés ici et la, a l’image du poignant Quis dabit pour la mort d’Anne de Bretagne (1514). L’art apollinien des Tallis Scholars trouve chez Mouton un contrepoint, fascinant d’équilibre et de maîtrise, qui leur sied idéalement. Comme jadis avec Palestrina et peut-être plus encore qu’avec Josquin, leur chant scintille et fait scintiller la redécouverte d’un maître parmi les maîtres.
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