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Analyste: David Fiala Plus encore que Josquin, Mouton semble le compositeur dont l’oeuvre contribua le plus fortement à établir au début du XVIe siècle l’idéal contrapuntique d’équilibre et d’euphonie qui devait trouver son aboutissement dans le « classicisme » de Palestrina canonisé par l’Histoire. Cette dimension se perçoit dans de nombreux domaines, dont la maîtrise de l’expansion du nombre de voix polyphoniques n’est pas le moindre. Mouton fut en effet le premier à se signaler par des motets à huit voix impeccablement ciselés, dont le si fameux Nesciens mater n’est qu’un exemple. Il est ici suivi de ses trois autres motets à huit, de sa seule messe à plus de quatre voix et de deux remarquables motets à quatre (le tout inédit au disque, hormis les deux plages initiales). Stephen Rice et son excellent ensemble s’affirment comme les défricheurs les plus assidus de la polyphonie religieuse « post-josquinienne » du premier XVIe siècle, ce qu’attestent déjà dix CD (Moulu, Crecquillon, Clemens, Manchicourt, Gombert, etc.). Au passage, ils se sont fait une spécialité des débuts de la polyphonie à grand effectif, grâce notamment à de splendides lamentations à huit voix de Dominique Phinot (Cinq Diapason, cf. no 575). Leur nouvel album remonte donc à l’origine du phénomène qui, via le plus fameux élève de Mouton, le maître de musique de Saint-Marc de Venise Adrian Willaert, donna naissance aux cori spezzati des Gabrieli. Ce programme passionnant offre des découvertes majeures, comme l’extraordinaire et monumentale séquence Verbum bonum à huit voix (dont les fausses relations de la seconde partie pourraient bien avoir inspiré Gombert) ou le théâtral motet à quatre Factum est silentium, récit du combat de l’archange saint Michel contre le dragon, qui se clôt sur de saisissantes exclamations. Le Brabant Ensemble est au meilleur de sa forme: tempos allants, conduite des voix énergique mais fluide, engagement expressif sans la moindre concession à la justesse et à l’homogénéité, contrastes de nuances assumés et parfois saisissants — jusque dans Nesciens mater. Cette lecture de Mouton bien différente de l’art apolinien des Tallis Scholars fait un indispensable complément au récital de ces derniers. |
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