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Analyste: Roger-Claude Travers
Il y a dix ans, Rachel Podger s’immergeait en béotienne illuminée dans la musique de Vivaldi. Elle suivait le musicien au coeur de la génèse du processus concertant dans La stravaganza (1714). Intégrale de rêve. Grande vivaldienne, c’est certain. Mais elle aura pris son temps avant d’y revenir. Et cette fois, sa maturité répond à celle du compositeur: elle choisit La cetra (1726-1727) d’un Rosso au sommet de ses moyens. Le recueil attendait sa référence discographique depuis deux intégrales vieilles de plus d’un quart de siècle : Monica Huggett et Simon Standage. Certes, la Holland Baroque Society n’a pas la réactivité épidermique de L’Arte dei Suonatori (partenaires idéaux de Podger dans La stravaganza), ni même la finesse pérenne de l’Academy of Ancient Music (version Standage/Hogwood). Elle a même tendance à surjouer des cordes pincées dans les mouvements les plus vifs, au lieu de chercher leur impact rythmique par des coups d’archets plus francs. Mais la formation épouse amoureusement les courbes de sa soliste, et surclasse sans conteste les Raglan Baroque Players, en petite forme avec Huggett. Pardonnons ici une réverbération un peu large et savourons de beaux moments, soulignés par une basse continue variée : comme la sensualité du Largo du N°1, nappé d’orgue, ou l’entrée dramatique du N°5, d’un panache théâtral développé en ses passages solistes, passionnés et aux accents rhapsodiques. Rachel sait jouer à la diva. Mais on l’aime aussi dans la délicatesse suave du Largo du N°7, ou dans le langoureux Largo e spiccato du N°9, en duo avec Judith Steenbrink. Le recueil se conclut en apothéose par les frottements harmoniques du N°12, avec scordature, où sa technique est éblouissante. Prisés jusqu’à la déraison jusqu’au mitan des années 1980, les quatre grands recueils édités (Opus 3,4, 8 et le présent Opus 9) peinent, depuis l’ère baroqueuse, à trouver de dignes serviteurs péninsulaires. Heureusement que fleurissent encore les roses d’Albion!
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