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Classiqueinfo
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Alia Vox AVSA9871 (2 CD)




Code-barres/Barcode
7619986398716

 

Analyste: Laurent Marty (08/2010)

Des Concertos brandebourgeois à taille humaine

 

La réédition de cet enregistrement vieux de vingt ans, déjà, permet de réévaluer une version plutôt mal accueillie à sa sortie. Jordi Savall y avait pourtant tenté une vision qui n’a guère eu de concur-rence depuis.

Car on se trouve moins devant une vision de chef que devant une version de consort, où des musiciens de valeur dialoguent amicalement ; parti-pris qui a ses qualités - de chaleur et de plaisir de jouer ensemble - et ses limites - le souci de précision n’est pas toujours le propos dominant. Ainsi, mieux vaut oublier le Premier concerto, le plus orchestral de tous, plutôt brouillon. Cette impression est peut-être plus due à une prise de son cathédralesque qui relègue les cors en des lointains réverbérés, qu’à l’exécution elle-même, un peu sage.

Le brouillage de la prise de prise de son, toujours présent, est moins gênant dans le Concerto n°2. Car, ici, la perspective chambriste fonctionne admirablement. Le tempo plein de bonhomie permet un dialogue permanent, et à chacun de phraser avec ampleur. Ampleur est d’ailleurs le terme qui caractérise le mieux, et d’une façon générale, les mouvements lents qui chantent toujours largement, avec douceur et retenue. Il est amusant d’entendre ainsi des baroqueux pur jus s’adonner aussi librement au plaisir immédiat du chant, avec un vibrato bienvenu des cordes, là où tant d’autres s’imposent l’atonie sous prétexte d’authenticité.

Toujours chambristes, les Quatrième et Cinquième concertos nous valent bien quelques débordements de Fabio Biondi, qui ne peut s’empêcher en tout occasion de faire valoir sa belle sonorité et son sens du phrasé. Le clavecin de Pierre Hantaï n’est pas en retrait, loin de là, et sa virtuosité étonnante nous vaut l’une des plus folles cadences du Concerto n°5 qui soient, saisie d’un véritable souffle panique.

À ce jeu-là, le Troisième concerto est concerto grosso italianissime, accentuation bien marquée, appuis légers et nuances d’une grande finesse, malgré une sonorité d’ensemble toujours très chaude - marque de fabrique du Concert des Nations. Le finale, en particulier devient un jaillissement plein d’une profusion de couleurs, qui débordent toute ligne, contrairement à l’épure à la pointe sèche que dessinait un Goebel. Confus Savall ? Autant reprocher à Delacroix de n’être pas Ingres… Le Sixième concerto, le plus français du lot, bénéficie par contre d’une exécution d’une parfaite netteté - la prise de son y est d’ailleurs plus proche. Très belles couleurs automnales qui donnent à l’ensemble des allures pré-brahmsiennes étonnantes.

Inégale, assurément, et pourtant toujours chaleureuse, musicale, plein d’un plaisir audible de faire de la musique, de jouer, de chanter, cette interprétation ne se compare à aucune autre dans la sphère baroque. Assez curieusement, pour l’esprit plus que par la réalisation et le style, on y trouve quelque chose qui rejoint, dans ses défauts même, l’antique version de Yehudi Menuhin. Même tentation chambriste, même goût pour les couleurs saturées et les articulations franches. Un très bel album qui, malgré ou grâce à ses défauts, et par son approche très humaine, devrait réjouir plus d’un mélomane. De ceux qui aiment à la fois le Bach de Casals et celui de Gustav Leonhardt - ce qui n’est pas si incompatible.


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