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Analyste: Philippe Venturini Un vent frais souffle sur le baroque TOUT CE QUE L’HISTOIRE ET LES MUSICOLOGUES NOUS ONT APPRIS SUR LES « SONATES ET PARTITAS », AMANDINE BEYER NOUS LE FAIT ENTENDRE SANS JOUER LES PROFESSEURS MAIS AVEC SENSIBILITÉ ET TALENT. Malgré un texte original et pertinent d’Olivier Fourès et quelques réflexions de l’artiste, on ne saura pas pourquoi Amandine Beyer (ou l’éditeur ?) n’a pas choisi de suivre l’ordre des Sonates et Partitas. Est-ce pour des raisons de minutage? Pour pouvoir intégrer en fin de cycle, sur le second disque, la Sonate de Pisendel, contemporain de Bach ? Cela ne gâche évidemment pas notre écoute mais perturbe cette alternance régulière entre pièces polyphoniques et mélodiques (les sonates) et pages plus naturellement orientées vers le rythme (les partitas, suite de danses stylisées) qu’Amandine Beyer a si bien su mettre en valeur. C’est en effet une des qualités de cette version que savoir distinguer le caractère de chaque oeuvre et non de l’envisager comme un tout projeté vers une spéculation post-moderne et, en définitive, aride. Et comme la violoniste joue du violon baroque comme quasiment personne, avec une aisance désarmante et une maîtrise stupéfiante (il va falloir une bonne dose de mauvaise foi pour débusquer la moindre imperfection dans ce jeu royal), elle n’a jamais à forcer le trait pour prouver quoi que ce soit. Elle n’a d’ailleurs jamais l’impression de vouloir prouver, démontrer ou affirmer : elle empoigne son instrument et laisse sourdre la musique. Les accords de quatre notes s’égrènent sans la moindre brusquerie, la polyphonie s’éclaire sans violent coup de projecteur et les danses s’élancent d’un pied ferme qui sait rester souple. Baroque, son interprétation l’est par sa connaissance des styles et du langage d’époque mais, à nouveau, elle reste étrangère à toute démarche militante obtuse. Elle joue un instrument moderne, réalisé en 1996 par Pierre Jacquier, évidemment conçu sur un modèle ancien et utilise un archet d’Eduardo Gorr fabriqué en 2000. Elle limite son ornementation à quelques rares notes lors des reprises (menuet de la Partita n° 3 par exemple) et sait conserver une pulsation régulière qui ne raidira jamais le geste comme en témoigne l’allemande de la Partita n° 1. Une parfaite technique d’archet et la précision de la main gauche permettent à Amandine Beyer des doubles vertigineux (celui de la courante) ou des bourrées d’une saine rusticité. En contrepartie, dans les sonates, règnent le cantabile et la lisibilité des lignes : l’andante de la Sonate n° 2, merveille de lyrisme, semble clairement distribué entre les deux mains d’un clavier imaginaire et la fugue de la même sonate prend des allures de grand orgue. Tout ce que l’histoire et les musicologues nous ont appris sur ce recueil fascinant, Amandine Beyer nous le fait entendre sans jouer les professeurs mais avec la sensibilité et le talent d’une immense artiste. Voilà sans conteste la version la plus aboutie, celle qu’on attendait depuis longtemps, sur violon baroque. Et tant pis si les Sonates et Partitas sont dans le désordre !. | |
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