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Appréciation d'ensemble / Overall evaluation : | |
Analyste: Philippe Venturini Un Bach à choeur CELA RESTAIT UNE ÉNIGME. PIRE : UNE ANOMALIE. JOHN ELIOT GARDINER, FONDATEUR DU MONTEVERDI CHOIR EN 1964 N’AVAIT PAS ENREGISTRÉ LES MOTETS DE BACH. NOTRE ATTENTE EST MAGISTRALEMENT RÉCOMPENSÉE. Voici un mystère enfin élucidé. Qu’un des meilleurs choeurs au monde n’ait toujours enregistré les motets de Bach qui lui semblent pourtant destinés relevait du mystère. D’autant plus que John Eliot Gardiner, fondateur du Monteverdi Choir en 1964, considère ce recueil comme « le plus parfait et, par certains aspects, le plus fascinant de toute la production de Bach ». Comme le célèbre funambule Philippe Petit choisi comme illustration de couverture, Gardiner et ses musiciens se sont passés de filet et ont enregistré cette musique terriblement exigeante en public, à Londres, dans le cadre d’une tournée. Le résultat n’en est que plus éblouissant et, pour tout dire, unique. La virtuosité exceptionnelle qu’exige cette musique ne pose pas de problème à son Monteverdi Choir et ce n’est pas une sur prise. Placé en début de programme, « Lobet den Herrn, alle Heiden » et ses arpèges ascendants d’ouverture comme l’alléluia conclusif tournoyant sur son 3/4 donne une idée du niveau stupéfiant de réalisation chorale. Avec un ensemble à quatre voix par partie, Gardiner atteint la clarté polyphonique d’un quatuor de solistes. Les inquiétudes et les prières de « Komm, Jesu, Komm » mènent vers une spiritualité plus intime et des contrastes dramatiques plus marqués que le Monteverdi Choir n’a aucune peine à marquer. Comme à l’accoutumée, Gardiner fait entendre un Bach d’une singulière éloquence, puissant orateur même dans la gravité et capable d’une « incomparable exubérance ». Aussi l’adéquation entre le sens et le son atteint-elle la perfection. Les gradations dynamiques de la prière « Komm » ( Viens ») sans cesse renouvelées comme les répétitions jamais identiques de « Du bist der rechte Weg » (« Tu es le droit chemin ») participent à l’élaboration d’un discours étonnamment mobile et convaincu avant le sentiment de félicité triomphante qu’impliquent les derniers mots. On pourrait à l’envi signaler les moments où les mots trouvent une traduction musicale par faite et s’intègrent dans une rhétorique imparable. On s’en voudrait de terminer sans mentionner la netteté instrumentale des attaques et de la conduite des lignes. Les premières phrases de « Singet dem Herrn ein neues Lied » donnent l’impression d’entendre un immense clavier vocal amplifié par des volées de cloches. Malgré les réussites incontestables de Philippe Herreweghe (Phi), Sigiswald Kuijken (Challenge Classics) et René Jacobs (Harmonia Mundi), John Eliot Gardiner et son Monteverdi Choir renouvellent l’écoute de ces motets pourtant très enregistrés. Cela valait la peine d’attendre.
Note de Classic@laCarte: Gardiner a de fait enregistré les Motets de Bach BWV 225-231) + Cantates BWV50 & 118 pour Erato en 1982 (STU 71337 – 2LP). | |
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