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  Classica # 144 (07-08/2012)
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Aparté
AP036


Code-barres / Barcode: 3149028016628 (ID228)
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Appréciation d'ensemble / Overall evaluation :
Analyste: Philippe Venturini
 

Blandine Verlet nous livre un récital personnel, mélancolique et singulier.

Le peintre figuratif américain H. Craig Hanna a beau avoir les honneurs de grandes expositions et de galeries cotées de Saint-Germain-des- Prés, il n’offre pas un portrait très séduisant de ses modèles. Il semble en accuser les traits comme pour mieux révéler leurs inquiétudes à la manière d’un Lucian Freud. Faut-il alors comprendre l’image qu’il présente de Blandine Verlet comme un avertissement ? Le jeu de Blandine Verlet propose en effet un portrait sans fard d’un compositeur qu’elle aime depuis toujours et dont elle a déjà enregistré l’oeuvre complet à la fin des années 1970 pour Astrée. L’artiste avait déjà confié son penchant pour les pages sombres ou impétueuses et une utilisation régulière du rubato. Pour cette anthologie, elle persiste et signe. Nulle grâce facile, nulle mignardise dans cet art de la miniature qui relève plus de l’eau-forte que du pastel. Aussi ne faut-il pas espérer un sourire béat accompagner La Muse naissante dont les syncopes paraissent déjà froncer les sourcils et recevoir une Adolescente plus bagarreuse que caressante. Mais La Basque surprendra par son impassibilité quasi désinvolte, ses douces vagues de doubles croches conjointes et sa basse de musette nullement décorative tout comme Les Amusemens étonneront par leur humour pince-sans-rire que souligne une voie intermédiaire papillonnant à contretemps. La modération générale des tempos vise la clarté de la polyphonie comme la mise en lumière des agréments (les pincés dans La Chazé) et la majesté du ton (l’ouverture à la française de La Raphaèle). La conception fondamentalement grave de cette musique (Scott Ross fuyait lui aussi les joliesses Louis XV) trouve son accomplissement dans l’impressionnante Passacaille du Huitième Ordre, dont le dénouement tragique semble aussi inexorable que celui d’une pièce de Racine. Rarement les tremblements de la basse auront résonné avec un tel air de menace. Si le premier disque réunit deux ordres de jeunesse (n° 7 et n° 8 publiés dans le Deuxième Livre en 1716-1717), le second s’intéresse aux derniers (n° 25 à 27, 1730) dans lesquelles le son s’allège, attiré vers la droite du clavier, vers le ciel de la musique. Cela n’interdit pas Blandine Verlet à donner fière allure à La Visionnaire (la partie marquée « Viste » reste d’ailleurs tranquille) ni de laisser planer le mystère dans le balancement obstiné des Ombres errantes ou la fragilité dans La Convalescente. Il faut certes accepter de se laisser guider et oublier parfois les indications pourtant précises de Couperin. La Muse victorieuse a le triomphe modeste et se manifeste bien peu «Audacieusement». Apollon a-t-il semé le doute dans son esprit ? L’Épineuse fait montre d’une idée très élastique de la mesure. La Saillie conclusive préfère le «  Clairement » au «Vivement ». Mais comment résister aux Pavots qui distillent lentement, « Nonchallament » leur poison (le goutte à goutte de la main gauche) tandis que les sens s’abandonnent (la flexibilité de la main droite). Artiste plus d’idées que de pinceaux, Blandine Verlet réussit sur le merveilleux Henri Hemsch de 1751 qu’elle avait déjà choisi pour ses Variations Golberg (Astrée Naïve), à galber ses phrases et à conserver une intelligibilité de tous les instants.

On imaginait un Couperin personnel. Celui de Blandine Verlet se montre plus que jamais singulier, mélancolique, inquiet comme son oncle Louis à qu’elle sut si bien comprendre (Astrée-Naïve). H. Craig Hanna avait raison.

 

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