Critique:
Christophe Huss
Je ne vois pas, à vrai dire, ce que je peux
"critiquer" à l'égard d'une telle parution. L'expertise de tout cet aréopage
excède largement celle que je pourrais acquérir en une vie de travail sur ce
sujet. Ce 10/10 n'est donc pas un verdict de raison, mais le témoignage
d'une adhésion des sens.
Le SACD, à la quête de traditions turques,
sépharades et arméniennes n'est pas anachronique dans le parcours de Jordi
Savall, qui s'est depuis toujours intéressé aux musiques arabo-andalouses,
mais aussi à une sorte de passé recomposé (un peu comme d'autres, au XXe
siècle, réinventaient un folklore).
Il pousse ici le voyage un peu plus loin, et se laisse
aller encore davantage à ses propres inspirations et improvisations qui
jalonnent le programme. Je laisse aux artistes le soin de vous raconter
l'univers de cette musique savante de cour du tournant du XVIIIe siècle à
Istanbul, compilée par Dimitrie Cantemir dans un Livre de la Science de la
Musique.
La respiration de la musique, la richesse des univers
sonores, sont éblouissants. À propos d'univers sonores, on se demandera au
passage pourquoi on entend tellement de prises de sons vulgaires ces
temps-ci, alors que celles faites pour Jordi Savall montrent l'exemple de
l'évidence et de la perfection...
Je ne peux être plus éloigné, a priori, de cette musique.
Et pourtant, ici, elle me parle et m'entraîne, irrésistiblement. Question de
perfection dans la conception, de la pulsation et de la conduite musicale,
ainsi que des univers sonores entr'ouverts (Ah! les duduks de la plage 6!).
Où Jordi Savall nous emmènera-t-il encore? En Chine?
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