Texte paru dans: / Appeared in:
Diapason # 738 (11/2024)

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Arcana  A568

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3760195735688


 

Analyste: Loïc Chahine

 

Scarlatti aurait-il composé des sonates en deux mouvements?, « s'interroge dans la notice Marco Moiraghi. Les chercheurs ont en effet constaté qu'à partir du milieu des années 1740, les sonates sont disposées par paires. Vœu de l'auteur ? Choix des copistes ? « On ne sait pas », écrit Moiraghi. Quoi qu'il en soit, Francesco Corti a respecté cette organisation, « à [s]on avis significative musicalement », et retenu huit diptyques en piochant parmi « un groupe de sonates copiées […] dans un laps de temps bref : la pleine maturité de Scarlatti, mais loin de ses expériences tardives ».

 

La K 213 en ré mineur ouvre le parcours - celle-là même par laquelle un autre scarlattiste d'exception, Pierre Hantaï, commence souvent ses concerts. Comme son illustre aîné, Corti possède une qualité ici essentielle : la jouissance du son. Ecoutez seulement la K 208 en la majeur : tout semble conçu pour faire sonner le magnifique clavecin de Philippe Humeau (Barbaste 2002, d'après des modèles italiens), depuis les silences parfaitement dosés et habités jusqu'aux volutes ornementales que le musicien s'autorise.

 

Cantabile n'est pas un vain mot : voilà une aria ! La narration de la K 209 tire profit d'une agogique souple, d'une maîtrise digitale jubilatoire (grâce, encore, à cette science du son), d'un air ludique se tenant juste avant la frontière de la loufoquerie.

 

Corti restitue avec brio l'ordonnancement des partitions, ménageant aussi bien l'architecture que les surprises - voyez la K 249 en si bémol majeur, aux paysages si changeants. Et comme les accents de la K 216 en mi majeur sont diversifiés, tantôt lorgnant l'air galant du temps, tantôt faisant claquer une inflexion « populaire », le tout dans une atmosphère d'improvisation virtuose et fantasque ! Partout le claveciniste nous captive. Comme chez Jean Rondeau (Erato, Diapason d'or ), « rien ne tient en place » ( cf. no 673 ), mais cette mobilité révèle ici, plutôt que « les jeux d'un gosse avançant à colin-maillard », un émoi quasi métaphysique sur l'instabilité du monde - la K 217 semble çà et là suffoquer et gémir d'anxiété, les motifs répétés exprimant une obsédante inquiétude.

 

Même les humeurs joueuses de la K 242 en ut majeur ont quelque chose d'alarmant. Peut-être regrettera-t-on parfois que la machine s'emballe ( K 220, à laquelle manque le duende ), mais les rafales que déchaîne Corti sont des tourbillons, et les réserves s'évanouissent devant la variété des affects (l'irrésistible début tout doux de la K 244 en si majeur et la fine beauté de sa progression ensuite !), l'habileté à faire vivre l'écriture (la K 243 !), l'adresse à conduire et relancer le discours, l'absence, enfin, de toute vacuité.

 



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