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Analyste: Jean-Christophe Pucek Enregistré en octobre 2023 dans l'église mennonite de Haarlem par Olivier Rosset. Le violoncelle, capté avec un certain recul, se déploie dans une acoustique enveloppante. Le rapport entre la définition précise de l'instrument et le moelleux sonore du lieu est particulièrement harmonieux.
Comme il l'annonçait dans son livre Les Suites en partage (Premières Loges, 2023, c f. no 721 ), Jean-Guihen Queyras a remis sur le métier un recueil qu'il avait déjà enregistré avec succès (HM, 2007, Diapason d'or ). Seize années à promener les Suites pour violoncelle sur toute la planète, à les faire se rencontrer avec la musique contemporaine ou les danseurs de Rosas (une vidéo immortalisant la performance est jointe au double album) dans un ample processus alliant questionnement et maturation.
Dès le célèbre Prélude de la BWV 1007, l'évolution est perceptible : sans perdre en énergie, le pas est un rien moins véloce, le regard plus intérieur. C'est encore plus manifeste dans la Courante, où l'alacrité qui prévalait en 2007 s'est muée en une dynamique aux gradations subtiles tout aussi efficace. Frappe aussi le poids émotionnel conféré à la BWV 1008, dont le Prélude, à la respiration plus large, oscille sans cesse entre murmure et cri, quand l'Allemande adopte une texture aux frôlements presque fantomatiques.
Dans la notice, Queyras déclare s'être inspiré de la « gestique propre à la viole » à travers la transcription réalisée pour son instrument par Paolo Pandolfo (Glossa, 2001). Les bénéfices d'une telle démarche s'imposent avec force dans la BWV 1008 (les Menuets I & II ) comme dans la BWV 1011. L'exploration du registre grave dans le Prélude, prodigieuse, n'y contraint jamais le mouvement, la Sarabande tutoie le silence d'une manière fascinante. La pulsation de la danse et une vitalité toujours en éveil traversent cette lecture avec plus de souplesse qu'en 2007, comme l'attestent les Bourrées et la Gigue de la BWV 1010. La BWV 1009 séduit par des couleurs fraîches et tendres, la BWV 1012 prodigue la luminosité chaleureuse qui est sa substance même.
Quand l'interprétation de 2007 happait d'emblée par son caractère solaire, la nouvelle se signale par un lyrisme parfois nocturne, intensément personnel et tout aussi irrésistible. Parcourue de frissons, de confidences, elle tend à la musique un miroir où le temps a fait son œuvre, adoucissant certains contours, apportant aux ombres plus de longueur, aux perspectives davantage de profondeur. Dix-sept ans après, Queyras continue à marquer la discographie des Suites.
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