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Analyste: Roger-Claude Travers L'idée de concevoir les Saisons n'aurait peut-être pas germé dans l'imaginaire de Vivaldi sans l'ambition de séduire d'éventuels mécènes à la cour de Mantoue. Quoi de plus flatteur pour eux que de deviner sous les traits d'archets l'action suggérée par la saynète (l'ivrogne qui titube, l'appel du corde chasse, la chute dans la neige… ) et d'échanger avec une voisine un sourire complice, comme au théâtre ? Musica Alchemica nous invite à entendre ces Saisons comme les perçut peut-être le prince Morzin. Le projecteur est ainsi braqué sur chaque détail, même fugace, et sollicite en permanence la curiosité de l'auditeur.
Jamais la description des oiseaux à l'entrée du Printemps n'avait été aussi précise. Le tonnerre gronde, les éclairs claquent, l'alto aboie comme un chien. De délicates frondaisons abritent une divagation soliste aux diminutions très poétiques. Séduit également l'évocation de musette qui introduit la Danse pastorale . L'humour parcourant l'orchestre est contagieux.
Dans l'Allegro initial de L'Eté, voici distingués pour la première fois les différents vents attribués par Vivaldi aux divers pupitres. Déclamatoire et pathétique, le violon se lamente comme une tragédienne sur la scène du Sant'Angelo. Lina Tur Bonet est tout aussi impérieuse en chardonneret, paysan aviné, bête apeurée ou marcheur transi. Les plans sonores sont particulièrement soignés et construits, avec une mise en espace de la chasse où l'on tire de partout. Saluons des basses grondantes et un continuo ingénieux, comme ce théorbe qui souligne les passages dramatiques dans le finale de L'Hiver ou ces arpèges de clavecin enveloppés par la texture dense des cordes dans le Largo de l'Automne . Une grande version, dont le couplage avec une lecture en quatuor des Quatre Saisons de Buenos Aires de Piazzolla ne s'impose pas. On y appréciera néanmoins le grain de folie et la sensualité à fleur de peau avec lesquels la violoniste y dialogue avec un bandonéoniste, un contrebassiste et un pianiste pour qui l'univers du tango n'a guère de secrets.
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