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Erato
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Analyste: Loïc Chahine
Il était temps ! Depuis que John Eliot Gardiner a révélé l'ultime chef-d'œuvre de Rameau, nul n'était venu contester son hégémonie à la gravure princeps (Erato, 1982). Fort de son expérience dans l'opéra français du XVIIIe siècle acquise avec le Centre de musique baroque de Versailles, György Vashegyi se frotte aux Boréades à la tête d'un orchestre vigoureux, coloré, maîtrisant désormais la lettre et l'esprit. Chaque danse est caractérisée, ciselée, avec un naturel confondant que ne possédaient pas encore tout à fait les English Baroque Soloists, mais aussi une poésie délicate et une absence de préciosité comme de mauvais goût qui frappent cette lecture du sceau de l'évidence. On sent même à quel point Rameau pousse les instrumentistes jusque dans leurs retranchements, sans que ceux-ci basculent pourtant du côté de la difficulté affichée. Depuis ses premiers Rameau, le Purcell Choir a gagné en articulation comme en fluidité - il est particulièrement remarquable d'expression au début de l'acte IV.
Si l'arc dramatique se distend parfois - la faute, aussi, à un livret passablement bancal -, le chef fait du théâtre. Il ménage, par exemple, une progression dans les Gavottes et Rigaudons pour les Heures et les Zéphyrs , équilibrant le gracieux et le quasi-sauvage. Et la séquence au début du V, loin de la brusquerie habituelle, atteste une gradation étudiée - Vashegyi n'a pas oublié que les vents sont effrayés et réduits à l'impuissance.
Il peut compter sur une distribution presque sans faille. Honneurs à Sabine Devieilhe ! La voix est toujours aussi argentine, le médium a désormais de la chair, et, surtout, la musicienne (et quelle !) palpite autant qu'elle brille. Voici assurément la digne héritière de Marie Fel qui aurait dû créer le rôle d'Alphise - écoutez-la au III : le personnage est là ! En Abaris, Reinoud Van Mechelen demeure la haute-contre idéale avec ce mélange de délicatesse et d'héroïsme, admirable en particulier dans le désespoir au IV.
Borilée très convaincant, Philippe Estèphe parvient à faire sentir à la fois la sincérité et ce soupçon de fatuité qu'a le descendant de Borée, et sait également éructer la haine (au IV). Hélas, on n'en dira pas autant du Calisis inégal de Bene-dikt Kristjansson, aigu à la peine et vocalise approximative, qui sauve les meubles la plupart du temps - avec même quelques jolis moments -mais se casse les dents sur le redoutable « Jouissons de nos beaux ans ».
Impeccables comprimari : fraîche et piquante, Gwendoline Blondeel ravit ; Tassis Christoyannis est magnifique d'autorité naturelle, tantôt bienveillante tantôt tonnante ; Thomas Dolié campe un Borée exemplaire d'incarnation terrible, de sens du mot. On n'oubliera pas entièrement le pionnier Gardi-ner, on n'affirmera pas non plus que l'affaire est définitivement réglée, mais pour aujourd'hui goûter aux mieux Les Boréades , c'est ici.
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