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Analyste:
Denis Morrier En 1528, dans son Livre du courtisan (u n des premiers best-sellers de l'Histoire), Baldassare Castiglione professait que l'homme de cour devait non seulement savoir chanter avec assurance, mais aussi soutenir son chant « à la viole ou au luth, ce qui donne beaucoup d'effet aux paroles ». Ce premier manifeste en faveur de la monodie accompagnée a souvent servi de justification aux interprétations modernes d'airs de cour, madrigali et autres ayres polyphoniques, à voix seule avec accompagnement de luth, harpe ou clavier. En revanche, l'idée du cantar nella viola ne les avait guère inspirées jusqu'à ce jour.
Avec un charme poétique irrésistible, Céline Scheen et Philippe Pierlot apportent la démonstration de son efficience. Leur audacieux programme souligne les liens unissant les maîtres élisabéthains aux apôtres italiens de la musica moderna.
On ne sait qui louer le plus, de la voix rayonnante et agile ou de la viole virtuose et éloquente. Au gré des affects et jusque dans les plus redoutables passaggi, Scheen varie subtilement colorations et nuances, comme en témoignent les sublimes sons filés dans Dovrò dunque morir de Caccini ou les volutes passionnées dans Weep mine eyes de Wilbye. Tissant de savoureux accompagnements, Pierlot emploie divers modes de jeu et registres, arpègements à l'archet ou en pizzicato (suave What greater griefe de Hume). Il introduit une richesse polyphonique, une variété de couleurs (admirables clairs-obscurs dans Why stay the Bridgegroom de Ferrabosco) et une amplitude dynamique sans égales. Les pièces pour lyra viol prolongent l'émotion, opposant méditations mélancoliques ( Paven de Gerrarde) et jubilation extatique ( Tickell, Tickell de Hume). Un pur enchantement des sens, de l'intellect et de l'âme ! |
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