Texte paru dans: / Appeared in: Pour s'abonner / Subscription information
|
|
 |
|
|
Analyste:
Adrien Cauchie
Compositeur autant que théoricien de la musique, Johann David Heinichen (1683-1729) a côtoyé Telemann à Leipzig vers 1702-1704 quand tous deux y étudiaient le droit. Dans sa cantate Der Herr ist nahe, les changements abrupts de tempo, le chœur fugué, les mélodies instrumentales variées évoquent le stylus phantasticus typique du XVIIe siècle germanique.
Mais les quatre arias da capo qui se succèdent témoignent clairement du caractère opératique vers lequel tendra la musique protestante allemande dès le début du siècle suivant.
Les trois autres cantates au programme ont été écrites entre 1701 et 1704 par Telemann, qui devait alors en livrer deux par mois au maire de Leipzig. Conformément au goût de l'époque et sans doute aussi parce qu'il ne disposait pas de chœurs pour faire exécuter ses œuvres, le compositeur multiplie les airs solistes. Il en va ainsi de Sei getreu bis in den Tod, servi avec autant de ferveur que de lyrisme par les chanteurs de l'Ensemble Polyharmonique.
Toutefois, l'expression du religieux n'est pas l'apanage des voix puisque les parties instrumentales contiennent également de nombreux éléments rhétoriques. Dans la Sinfonia introductive de Meines Bleibens ist nicht, les chants et leurs contrechants dissonants, tout comme les diminutions italianisantes, sont rendus avec éloquence. Dans la même veine, l'émerveillement est grand au début de l'aria « Ich wandre fort » lorsque les violons avancent à pas de velours sur un balancement tragique de la basse ; le contraste avec la mélodie plaintive du contre-ténor, qui semble errer dans un paysage de désolation, impressionne. L'Akade-mie für Alte Musik Berlin et René Jacobs (Capriccio, 1989) n'y faisaient pas preuve d'une telle audace théâtrale.
|
|
