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Analyste:
Jean-Christophe Pucek
« Vision. Bach » : c'est le nom du projet mené par l'Internationale Bach akademie de Stuttgart visant à donner en concert et à enregistrer l'intégralité des cantates composées par le Cantor au cours de sa première année à Leipzig.
Sous la direction de Hans-Christoph Rademann, les trois vastes cantates bipartites (BWV 75, 76, 21) ne manquent ni d'assise ni d'ampleur mais de relief dynamique. Dans la BWV 75, le nouveau venu fait jeu égal avec Masaaki Suzuki (Bis, 1998) en matière d'équilibre ; le chœur allemand est même un rien plus clair, plus idiomatique ici - c'est, avec l'excellente tenue instrumentale, un point fort de ces deux premiers volumes. Pour l'animation et des solistes plus engagés, on se tournera vers John Eliot Gardiner (SDG, 2005). Les choses se corsent avec la BWV 76. Etrangers à l'éclat voulu par Bach pour dépeindre les « cieux [qui] célèbrent la gloire de Dieu », les Stuttgartois offrent une vision timide sinon grisâtre face à la magnificence du Ricercar Consort (Mirare, 2020) et son quatuor vocal étincelant - le probe Patrick Grahl ne peut rivaliser avec Julian Prégardien dans la manière d'empoigner le récit « So lässt sich Gott ».
De la fameuse BW 21, Rademann opte pour la mouture leipzigoise plus rare au disque. Bach y ajoute des trombones dans le chœur « Sei nun wieder zufrieden », plus efficaces chez Suzuki (Bis, 2000). A la contrition apathique des Stuttgartois, on préfère la dramatisation de Gardiner (SDG, 2010) : quand Katharine Fuge incarnait l'angoisse de « Seufzer, Tränen », Miriam Feuersinger semble corsetée par la frilosité de Rademann, qui refroidit aussi le duetto « Komm, mein Jesu », plus sensuel avec le chef britannique.
Dans la B WV 167, l'allant de l'orchestre est gâché par la vocalise tendue du ténor et l'intonation peu assurée du contre-ténor (« Gottes Wort »). Dans la B WV 147, le geste policé de Rademann ne démérite pas plus qu'il n'enthousiasme ; outre des solistes plus impliqués, on trouvera davantage de couleurs, de conviction chez Rudolf Lutz (Bach-Stiftung, 2019). Pour la plus modeste B WV 136, avantage également à Lutz, plus respectueux des intentions rhétoriques de Bach - la partie dévolue au cor dans le chœur d'entrée participe du discours et ne doit en aucun cas être affadie.
Malgré quelques moments réussis, ce laborieux début de cycle n'annonce guère un bouleversement de la discographie.
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